Evènement majeur pour la communauté afro-américaine commémorant le septième anniversaire des émeutes raciales de Watts de 65 ici historiquement rassemblée en masse à Los Angeles, évènement musical majeur aussi portant le doux sobriquet un peu facile du Woodstock Noir, Woodstock de la soul, Wattstax '72 est un document précieux maintes fois maltraité et monté dans tous les sens et qui retrouve aujourd'hui de sa superbe grâce à un méticuleux travail de reconstitution et de dépoussiérage. Un peu à la manière du Woodstock 50th Anniversary "Back To The Garden", en remettant les choses à leur place, dans le bon ordre, pour apprécier pleinement l'intégralité du show au Los Angeles Coliseum et celui du Summit Club un peu plus tard tant Stax ne pouvait pas caser tous les artistes sur la même scène (le lendemain se jouait un match de football).
"I'Am, Somebody!" retentira plus d'une fois, sous la houlette de Jésus Notre Sauveur, encouragé par les appels à l'unité et à être fiers d'être noirs, de Tommy Jaquette, des représentants de Stax, des artistes eux-mêmes ou encore du mythique révérend Jesse Jackson à l'occasion homme de cérémonie et important porte-parole. Des longues plages sont consacrées à la discipline, les pelouses (piétinées toutes les semaines par les blancs) sont ici interdites d'accès et de fait les prestations seront souvent interrompues. Le chanteur comique Rufus Thomas en fera notamment les frais pendant de longues minutes. Et si les flics se tiennent prêts à calmer tout le monde, on rappellera qu'on est en communion et qu'il n'y a ni place aux débordements ou aux blasphèmes.
Musicalement, l'évènement est d'un très haut niveau, bien supérieur aux prestations pataudes et allumées de la majorité des artistes du Woodstock de 69, et ce dès son introduction orchestrale d'une classe folle menée par Dale Warren. Ce dernier s'occupera des transitions musicales bien trop cool pour le commun des mortels, à faire pâlir n'importe quel Night Show à l'américaine, entre deux artistes venus présenter leurs hits d'aujourd'hui ou d'hier. Les highlights sont nombreux et il serait idiot d'isoler tous les artistes et d'analyser leurs prestations. Petite déception tout de même, même si Isaac Hayes est très sûrement la tête d'affiche fraîchement auréolée d'un oscar (une première pour l'Académie pour un artiste Noir), le Black Moses ennuie gentiment et foire son premier titre. Albert King, extraordinaire, fait lever les foules du haut de son costume impeccable, loin des accoutrements souvent ridicules de certains, et emmène sa Flying V vers des contrées sexy à souhait. Même qualité musicale surhumaine au Summit Club avec une acoustique plus intimiste et plus que jamais cool.
Wattstax '72 est long, truffé de surprises et d'instants musicaux à jamais gravés dans le marbre, probablement l'un des grands évènements musicaux de l'année 72, année au combien extraordinaire d'un point de vue créatif et confirmant la scène musicale Noire comme l'une des plus importantes au monde. Cinquante ans plus tard, la véracité de l'instant, sans overdubs ou retouches numériques pour masquer les faiblesses de pseudo artistes, est précieuse.