Sur un blues de Chicago long et pénétrant (la reprise From My Heart to You), Weasels Ripped My Flesh démarre réellement. Il démarre à cet instant puisque si vous n'êtes pas attentif, Didja Get Any Onya passera comme un des innombrables morceaux free dont Zappa a le secret. C'est aussi parce que le violon électrique ahurissant de Don Harris fait le boulot et apporte une dimension électrisante moins ancrée country folk que chez Dylan (Desire) ou Neil Young (A Treasure). Le morceau est une petite merveille et apporte le romantisme nécessaire à cette entreprise très live, enregistrée un peu partout sur une période de deux ans. Les Mothers of Invention étant dissous, on récupère les fonds de greniers et on presse ça rapidement.
Une nouvelle fois influencé par le free jazz et la musique improvisée, l'album regorge de moments étranges, provocateurs et hallucinés comme la séance de rires du Prelude to the Afternoon, le braiment d'âne à l'aide d'instruments (Toads of the Short Forest) ou encore le mollard en introduction de Get a Little et sa guitare wah-wah d'une maîtrise délicieuse. Les Mothers of Inventions sont des musiciens libres surprenants et inventifs, c'est indéniable. Mais lorsque la guitare électrique fusionne avec une basse tout en rondeur, le résultat détonne toujours plus qu'un ensemble d'instruments joués free. C'est le prix à payer pour se farcir des trompettes ramollies et du Soft Machine pas très bien digéré. Elles peuvent être heureusement très groovy (The Orange County Lumber Truck). Gros moment de musique libre, tout de même.