Je trainais pas mal en Angleterre à nouveau quand "Whatever People Say I Am..." est sorti, et j'ai été témoin de la montée de la "rumeur Arctic Monkeys", en particulier sur le Net : une rumeur qui n'était pas une hype, qui n'était pas manipulée (a priori..) par le groupe ou la maison de disque, et qui se construisait sur un amour immodéré de la toute jeunesse anglaise pour ces "lads" qui chantaient la vérité de leurs vies. Alex Tuner et ses potes devenaient avec la sortie de cet album le nouvel emblème d'une autre génération perdue, sacrifiée par la crise et l'indifférence des politiciens et des financiers... Après les Pistols, les Smiths, les Clash, etc. on tenait un nouveau groupe phare de la belle Albion qui semblait se réveiller encore une fois au son des guitares abrasives et des voix gouailleuses de jeunes adultes énervés : ça, c'était bien, c'était grand même. La plus grande surprise que j'eus en écoutant cet album, ce fut un sentiment immédiat d'intransigeance musicale, que je n'attendais pas d'un groupe aussi rapidement et immensément populaire (les médias, éberlués en notre époque de piratage généralisé, citaient des chiffres dignes de ceux des débuts des Beatles !) : pas de refrains ici, ou presque, mais un débit ininterrompu, puissant, de textes narrant cette Angleterre en plein naufrage, et les stratégies quotidiennes pour y vivre quand on a l'âge d'Alex Turner. "Whatever People Say I am..." était un VRAI disque de Rock, avec des choses à dire, avec de la hargne - jamais caricaturale, on n'était pas chez les pantins de Libertines ! -, un disque que je voyais bien redonner du sens à la vie de très jeunes hommes englués dans la tristesse et la médiocrité de ce siècle naissant et déjà bien pourri. Je me dis que ce disque n'était peut-être pas POUR MOI, car j'avais depuis longtemps dépassé l'âge requis, mais que si j'avais eu cet âge-là, eh bien j'aurai été fier qu'il parle en MON NOM. Ou plutôt qu'il ME parle à moi. Cela s'appelle un futur classique de l'histoire du Rock, non ? [Critique écrite en 2006 et complétée en 2016]