Wide Awake!
7.2
Wide Awake!

Album de Parquet Courts (2018)

Le génie de Parquet Courts - et de sa paire d'auteurs-compositeurs leaders texans Andrew Savage et Austin Brown - est d'avoir ressuscité et réactualisé un Rock New-Yorkais qui n'avait guère relevé la tête depuis le hold-up express effectué par les Strokes : l'héritage du Velvet, des Ramones, des Talking Heads, de Richard Hell, de Sonic Youth et de tant d'autres est l'une des plus belles choses que l'Amérique ait jamais offertes au monde, et il serait tout simplement absurde de laisser la bêtise criminelle du gouvernement Trump nous faire oublier ce que nous devons à cette troupe d'artistes ayant vaillamment combattu pour l'intelligence et la poésie. Chaque album de Parquet Courts ravive ainsi la flamme à coup de riffs bringuebalants, de mélodies troubles à l'irrésistible morgue nonchalante, mais aussi de lyrics régulièrement bluffants de profondeur et d'élégance.


Il reste que, même en étant absolument fan du travail du groupe, on pouvait trouver que tout cela commençait à tourner un peu en rond, même à un impressionnant niveau d'excellence. Est-ce le coup de pouce de Danger Mouse à la production, qui introduit aussi du coup un peu de groove, de funk, voire même un soupçon de phrasé hip hop dans "Wide Awake!", ou bien est-ce seulement que Andrew Savage, clairement aux commandes cette fois, a décidé qu'il fallait à son groupe un peu plus de reconnaissance "commerciale" ? En tous cas, sans jamais trahir ni ses origines punks, célébrées ici par quelques courts brûlots speedés, ni se départir de ses principes "éthiques", "Wide Awake!" offre une nouvelle version décomplexée de Parquet Courts", plus franchement tournée vers les plaisirs immédiats de la mélodie accrocheuse et du gimmick irrésistible, voire même un peu idiot.


Car finalement, quoi de mieux que d'emballer des chansons "contestataires" ("Total Football", "Violence", "Before the Water Gets Too High" et plusieurs autres) dans une sorte d'urgence absurde (par moment, on peut penser aux provocations surréalistes du Devo de la grande époque...) ? Et quoi de plus efficace que de transporter son mal de vivre et ses doutes existentiels ("Freebird II", "Tenderness", etc.) sur le dance-floor, pour que tout le monde puisse se trémousser bêtement dessus ?


"Wide Awake" sera donc le premier album de Parquet Courts totalement accessible à quiconque est trop jeune pour avoir connu les riches heures de la scène punk new-yorkaise, ou quiconque ne se sent pas concerné par le destin de l'Amérique. Cela pourrait même être un fantastique album d'initiation pour tous ces gens-là, qui se trouveraient pour la première fois face à des lyrics du genre :


"Swapping parts and roles is not acting but rather emancipation from expectation / Collectivism and autonomy are not mutually exclusive / Those who find discomfort in your goals of liberation will be issued no apology / And fuck Tom Brady!"


Rêvons un peu...


[Critique écrite en 2018]


Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Magazine : https://www.benzinemag.net/2018/06/11/wide-awake-la-morgue-nonchalante-de-parquet-courts/

EricDebarnot
8
Écrit par

Créée

le 11 juin 2018

Critique lue 419 fois

12 j'aime

1 commentaire

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 419 fois

12
1

D'autres avis sur Wide Awake!

Wide Awake!
Raaphael
8

Énergisant et rafraîchissant

Dans la mouvance de la musique contestataire anti-Trump, ce groupe développe une énergie communicative et je me laisse entraîner volontiers ! Le titre « wide awake », même si un peu facile, en est...

le 13 juin 2018

2 j'aime

Wide Awake!
YasujiroRilke
6

Critique de Wide Awake! par Yasujirô Rilke

Digne du bel héritage punk (à côté de Iceage, par ex.), Parquet Courts continue à sillonner sa musique, son style, son empreinte et à réussir des albums bien chiadés. Il leur manque d'être singulier...

le 10 août 2018

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

191 j'aime

115

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25