Le génie de Parquet Courts - et de sa paire d'auteurs-compositeurs leaders texans Andrew Savage et Austin Brown - est d'avoir ressuscité et réactualisé un Rock New-Yorkais qui n'avait guère relevé la tête depuis le hold-up express effectué par les Strokes : l'héritage du Velvet, des Ramones, des Talking Heads, de Richard Hell, de Sonic Youth et de tant d'autres est l'une des plus belles choses que l'Amérique ait jamais offertes au monde, et il serait tout simplement absurde de laisser la bêtise criminelle du gouvernement Trump nous faire oublier ce que nous devons à cette troupe d'artistes ayant vaillamment combattu pour l'intelligence et la poésie. Chaque album de Parquet Courts ravive ainsi la flamme à coup de riffs bringuebalants, de mélodies troubles à l'irrésistible morgue nonchalante, mais aussi de lyrics régulièrement bluffants de profondeur et d'élégance.
Il reste que, même en étant absolument fan du travail du groupe, on pouvait trouver que tout cela commençait à tourner un peu en rond, même à un impressionnant niveau d'excellence. Est-ce le coup de pouce de Danger Mouse à la production, qui introduit aussi du coup un peu de groove, de funk, voire même un soupçon de phrasé hip hop dans "Wide Awake!", ou bien est-ce seulement que Andrew Savage, clairement aux commandes cette fois, a décidé qu'il fallait à son groupe un peu plus de reconnaissance "commerciale" ? En tous cas, sans jamais trahir ni ses origines punks, célébrées ici par quelques courts brûlots speedés, ni se départir de ses principes "éthiques", "Wide Awake!" offre une nouvelle version décomplexée de Parquet Courts", plus franchement tournée vers les plaisirs immédiats de la mélodie accrocheuse et du gimmick irrésistible, voire même un peu idiot.
Car finalement, quoi de mieux que d'emballer des chansons "contestataires" ("Total Football", "Violence", "Before the Water Gets Too High" et plusieurs autres) dans une sorte d'urgence absurde (par moment, on peut penser aux provocations surréalistes du Devo de la grande époque...) ? Et quoi de plus efficace que de transporter son mal de vivre et ses doutes existentiels ("Freebird II", "Tenderness", etc.) sur le dance-floor, pour que tout le monde puisse se trémousser bêtement dessus ?
"Wide Awake" sera donc le premier album de Parquet Courts totalement accessible à quiconque est trop jeune pour avoir connu les riches heures de la scène punk new-yorkaise, ou quiconque ne se sent pas concerné par le destin de l'Amérique. Cela pourrait même être un fantastique album d'initiation pour tous ces gens-là, qui se trouveraient pour la première fois face à des lyrics du genre :
"Swapping parts and roles is not acting but rather emancipation from expectation / Collectivism and autonomy are not mutually exclusive / Those who find discomfort in your goals of liberation will be issued no apology / And fuck Tom Brady!"
Rêvons un peu...
[Critique écrite en 2018]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Magazine : https://www.benzinemag.net/2018/06/11/wide-awake-la-morgue-nonchalante-de-parquet-courts/