De l'electro accrocheuse
Ladytron est un combo anglais auteur de quelques singles pas passés inaperçus sur les dancefloors underground ("Playgirl"). Quelques opus sympathiques, avant ce Witching Hour, mais rien de...
le 6 janv. 2013
Être un robot, c’est triste.
On ne ressent rien, on erre sans but et on envie les humains. Ces êtres étranges qui saignent une substance rouge au lieu d’essence. Ces drôles de créatures qui évoquent ce concept abstrait qu’est l’émotion. Être une machine, c’est se priver de tous ces sentiments qui font de nous des femmes et des hommes. Le genre de détail sur lequel Kraftwerk réfléchissait déjà, ce qui a inspiré une telle quantité de groupe que cela en est devenu banal. Sauf que toute cette synthpop avait oubliée d’avoir une force mélodique dans sa musique pour rendre la rigidité robotique des Allemands attirante. Et des robots qui chantent, cela restera toujours mieux que des robots qui parlent.
Si après les années 1990, on avait complètement oublié la synthpop, car rendue ringarde par le rock alternatif, Ladytron avait su la remettre au goût du jour dès le début de la décennie suivante et cela bien avant que la cavalerie revival des 80s ne débarque. A vrai dire, si le groupe était très attachant et capable de composer d’excellentes chansons, il restait encore un peu trop collé à ses influences pour être véritablement indispensable. Surtout que leur second album démontrait qu’il avait fait le tour de question malgré la présence de quelques joyaux de pop électronique à la candeur irrésistible.
Avec la sortie de Witching Hour, le quatuor de Liverpool franchit une étape importante : il passe du statut de second couteau à celui d’incontournable. Cet album démontre également que leur sphère d’influences était bien plus large qu’on ne l’aurait cru. Quoi de mieux qu’une ouverture comme « High Rise » pour le prouver ? Un morceau aussi atmosphérique que puissant ne pouvait que bien lancer un tel disque. Et quelle est cette gratte qui surchauffe au bout d’un moment ? On croirait entendre des héritiers de Curve.
Cela se confirme par la suite avec les brouillards de guitares à la My Bloody Valentine sur « Soft Power » et « International Dateline », dont l’ambiance gothique devrait donner des frissons aux corbeaux normalement constitués. Mais tout cela n’est rien à côté de « Destroy Everything You Touch ». A-t-on usiné des tubes dancefloor aussi entrainants dans les années 2000 ? Je n’en vois pas beaucoup. Voici ce que j’appelle une chanson dance, dans le sens noble du terme, qui se permet de faire bouger sur des paroles bien plus sombres et lucides que ce qu’on entend habituellement dans le style. Le genre de mélange dont School of Seven Bells se fera un parfait élève.
Si l’étonnante variété de Witching Hour surprend jusqu’à en devenir une qualité (trouvez-moi des groupes qui alignent une pièce de techno indus comme « Fighting In Built Up Areas » à faire danser les morts et un final d’une justesse bouleversante à l’image de « All The Way » sans que cela soit déplacé, je vous féliciterais), ce qui transcende l’électropop dreamy du groupe, c’est bien entendu la voix d’Helen Marnie. Douce, soyeuse mais amère (le final de « Beauty*2 » a de quoi donner le cafard). C’est un peu elle le facteur humain dans cette musique dominée par les machines. La seule lumière dans un futur déshumanisé car dominé par l’informatique.
C’est probablement cette caractéristique qui a fait d’eux une bande à part. Cette capacité à mélanger la froideur de l’électronique et la chaleur des émotions humaines. Ce formidable paradoxe de faire une pop froide en apparence mais bouillonnante de mélancolie derrière cette armature synthétique et inhumaine.
Ladytron étaient les plus à même à saisir l’esprit du post-punk des origines, bien plus que des gens comme Interpol qui ont vite confondu froideur avec fadeur. Dans ce monde cruel où les émotions sont bannies, il faut se blinder pour être aussi glacial que le monde qui nous entoure. Être introverti tout en laissant échapper les larmes de notre spleen urbain.
« The Last One Standing » est à l’image de cela et fait très mal. Aussi mal que d’observer la circulation d’une grande ville et sa foule, qui ne bougera pas le petit doigt même si vous vous effondrez devant elle.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs albums des années 2000
Créée
le 25 août 2015
Critique lue 113 fois
3 j'aime
D'autres avis sur Witching Hour
Ladytron est un combo anglais auteur de quelques singles pas passés inaperçus sur les dancefloors underground ("Playgirl"). Quelques opus sympathiques, avant ce Witching Hour, mais rien de...
le 6 janv. 2013
Du même critique
Dès les premières notes de "Light From a Dead Star", on sent que quelque chose a changée. Fini la reverb maousse de Robin Guthrie, le son de Lush s'est grandement aéré et les chansons en deviennent...
Par
le 22 juil. 2015
19 j'aime
Qu'est-ce qui sauve un disque de l'oubli ? Sa qualité intrinsèque ou la progéniture qu'il engendrera ? S'il y avait une justice en ce bas monde, c'est la première caractéristique qu'on retiendrait en...
Par
le 15 août 2015
16 j'aime
1991: The Year Punk Broke. Il serait surtout plus juste d’affirmer qu’il s’agit de l’explosion médiatique du rock alternatif Américain, voire du rock alternatif tout court. L’année de la découverte...
Par
le 2 mars 2016
16 j'aime
1