Everybody writes, everybody plays, everybody sings, everybody's happy

Young Folks, la petite bombe scandinave dont nous sommes tombé raide dingue lors de l'été 2006, a trois papas : Peter, Bjorn & John, Suédois jusque là inconnus malgré sept ans de carrière et deux albums (non distribués, il est vrai, sous nos latitudes). En bonne logique (commerciale), l'album sorti dans la foulée - Writer's Block - aurait pu/dû n'être qu'une œuvrette opportuniste torchée rapidos dans la foulée d'un single miraculeux. Monument qui tend d'ailleurs, à la première écoute, à faire de l'ombre aux charmes moins tapageurs du voisinage. A s'y pencher de plus près, pourtant, les qualités les plus flagrantes de cette chanson emblématique - la pureté de ses lignes, la perfection de ses proportions, son sens du détail - se retrouvent intactes sur la plupart des titres, au fil desquels nos nouveaux amis dévoilent de très solides talents de bâtisseurs pop.

Mignonne cahute mangée par la vigne vierge (la prometteuse miniature Start To Melt, qui disparaît sous les parasites au bout de deux petites minutes), colimaçon monumental (Up Against The Wall, longue plage circulaire et hypnotique judicieusement placée au cœur de l'album) ou imposante cathédrale de lumière (Roll The Credits, serein et aveuglant comme une ascension céleste), le cahier des charges importe peu : le résultat ne manque jamais d'audace ni de raffinement. D'autant que le trio, histoire de détourner les derniers regards séduits par la concurrence, personnalise son ouvrage en y plaquant dès qu'il le peut un chouette petit effet de signature : des percussions élastiques par ci, un mini mur du son par là ou, fallait oser, un refrain sifflé sur pas moins de trois morceaux consécutifs (Objects Of My Affection, Young Folks et l'amusant Amsterdam qui présente Gary Numan à Micheline Dax (sic et resic)).

Cet éclectisme de façade est tempéré par une mise en son très homogène, exercice de style nous renvoyant à l'époque - mid 80s - où les frères Reid (The Jesus & Mary Chain) croisaient le fer dans un déluge d'étincelles, ou à celle - early 90s - où un tas de petits groupes aussi sympathiques qu'oubliés (Adorable, ce genre), jetaient un pont entre une noisy-pop sur le déclin et une brit-pop en gestation. Noyé sous une reverb d'un autre âge, ce disque baigne du début à la fin, malgré les variations de formes et de tempos, dans une atmosphère intime et nostalgique (en attestent des bribes de texte et une poignée de chansons aux intitulés de carte postale : Amsterdam, Paris 2004), assez proche du rêve éveillé. S'esquisse peu à peu un paysage flou et lumineux, avec ses bancs de brume effilochés, sa brise légère, son soleil qui tape mou... On s'y sent bien.

Le plus étonnant, peut-être : qu'un album aussi cohérent procède d'un effort collégial - voir le titre de cette critique, credo du groupe tel qu'affiché sur MySpace. Derrière l'enseigne Peter, Bjorn & John se dissimule tout simplement la plus talentueuse des agences d'architecture et d'urbanisme en activité à Poptown. Isolées, les constructions ébauchées sur ces planches à dessin valent à coup sûr le détour. Accolées les unes aux autres (quelques vignettes ambient font office de ruelles, de passerelles, de terrains vagues), elles dessinent les contours d'une cité entre deux mondes, urbaine et bucolique, ni tout à fait moderne ni complètement surannée. Un espace au sein duquel les contradictions s'annulent, où, à l'instar de la pochette, les silos à grain défient les gratte-ciels, où la grisaille noisy se laisse doucement bouffer par l'azur mélodique. Un faubourg cosy, presque plan-plan, au confort duquel on a bientôt, malgré l'appel pressant de territoires bien plus aventureux, les pires difficultés à s'arracher : Writer's Block, l'air de rien, s'avère un piège des plus douillets.

(posté précédemment sur kweb.be)
Kaboom
9
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le 7 nov. 2012

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Kaboom

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