A entendre le nouvel album de Spock's Beard, chaud comme la braise avec ses basses dodues et cette diablesse de rythmique enroulée par un Nick D'Virgilio au plus haut, on se dit sans détour que ces quatre là ont du tomber dedans quand ils étaient petits.
Depuis le sublime The Light (1994) pas de véritables fausses notes, si l'on excepte Feel Euphoria (2003) qui s'échinait à digérer le départ de Neal Morse pour d'autres cieux. Le temps a passé, la puissance de feu demeure. Pour la première fois depuis des lustres, Spock's Beard s'attelle à son premier album 100% progressiste. La surprise est divine. Forcément chargé jusqu'à la moelle, on y retrouve cette impressionnante dynamique qui frappe, tape, caresse et s'envole selon ses désirs.
En marquant au fer rouge cette dixième production d'un grand X, trônant sur la pochette en monolithe spectral, on ne peut s'empêcher de penser à l'album V (2000), épicentre de l'ère Morse, lui aussi placé sous le sceau de la numération romaine. Comme une borne d'excellence.
Pour autant, le travail en studio a fonctionné à plein avec une production chirurgicale (on ne sous estimera jamais le rôle joué par Rich Mouser), consécration sonique qui permet à chaque titre d'avancer comme autant d'usines atomiques. Ici, chaque musicien met un point d'honneur à faire tourner en bourrique quiconque attendait, dans le respect acquis de la fatalité musicale, quelque chose de pop rock, vaguement conceptuel, franchement régressif. En plus de purs moments de prog-rock stellaire (« Kamikaze », instrumentale épatante), le disque entre dans le lard avec ses titres foisonnants : les 16 minutes de « From the Darkness », qui n'a pas froid aux yeux pour invoquer les classiques (Hendrix, Led Zeppelin) témoignent de cette volonté survoltée de jouer avec les références sans jamais se laisser bouffer.
Loin d'être crasseux, ce disque compile toute l'histoire emmagasinée. Une ascension aux hommages vibrants (« Edge Of the In-Between », hirsute et virtuose, « The Emperor's Clothe » en souvenirs de jeunesse) qui capitalisent sur leurs propres trouvailles. Avec cette impression définitive de force maîtrisée qui exclue toute possibilité de lassitude. Sur la longueur, le quatuor ne pédale jamais dans le vide et poursuit son inventaire du panache comme en témoigne « Their Names Escapes Me », titre bonus sur la version deLuxe, qui égraine comme une litanie à suspense le nom de chaque personne ayant pré-commandé le disque. L'idée, saugrenue, passe sans forcer. Mise en orbite ultime, le chef d'œuvre à tiroirs « Jaws of Heaven » enquille les belles choses et déploie l'artillerie lourde avec une mise en place inégalée (quelle rythmique !) et un thème central qui semble effectivement toucher le ciel.
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