Superbus n'a déjà plus 20 ans

Il suffit de lire les crédits, à la dernière page du livret, pour voir que quelque chose cloche dans cet EP. Sur les 5 chansons, François Even (le bassiste) n'en a enregistré que deux. Greg Jacks (le batteur, de retour dans le groupe) n'intervient que pour le single Silencio. Mais le plus choquant, c'est l'absence totale de Mitch, guitariste et membre fondateur du groupe. Sa seule trace sur l'EP est photographique...Sans écouter la moindre seconde de XX, tout fan de Superbus peut s'assurer que ce qu'il s'apprête à écouter va le surprendre.

Cet EP, intermédiaire d'un septième album prévu pour la fin d'année, est effectivement le changement de son le plus radical effectué par le groupe, dépassant sans souci le déjà étonnant quoiqu'agréable Sixtape. Ce choix est osé pour fêter les 20 ans du groupe et lancer une tournée anniversaire (malheureusement compromise par l'actualité), mais il a le mérite d'être fait et d'être cohérent avec l'imprévisibilité du groupe.

C'est ainsi que le groupe nous propose le premier single, et la première piste de cet EP, Silencio. Un résultat tout en retenue, à l'image de l'avant-dernier refrain qui s'excuse presque de son changement de tempo. L'ensemble, un peu trop froid pour un groupe si décomplexé, ne s'épanouit que dans ses 30 dernières secondes, où les "Call her, call her, Silencio" envoutants se fondent parfaitement dans le rythme mystique, et enfin, entraînant. Quant au texte sur ce manque amoureux, ils sont assez bruts pour Jennifer Ayache, sans atteindre la mélancolie d'un Strong & Beautiful.

Après cette chanson qui m'a laissé perplexe sans être pessimiste, je ne demandais qu'à aimer les quatre autres membres de la tracklist de XX.

Et c'est ici que s'arrête mon enthousiasme.

Hors-Jeu nous accueille avec des sonorités déboussolantes. On reconnaît la patte Superbus, mais elle est noyée dans un thème électro, où les claviers et boîtes à rythme remplacent maladroitement guitares et batterie. Le kitch des paroles atteint un niveau inédit pour Superbus, avec des métaphores rarement maîtrisées, dans leur écriture et leur prononciation (Le "Je me débattrait jusqu'à la finale" en est le plus parfait exemple).

L'éloignement du pop-rock est encore plus exacerbé dans High. Dans ce titre, le lifting réalisé par XX ressemble davantage à une défiguration. Les beats et autres gimmicks utilisées ne collent pas du tout à leur ADN. Après +001, l'album solo de Jenn, j'avais peur de voir son influence déteindre sur les futures créations du groupe. Avec High, c'est exactement ce qu'il se passe. Pour toutes ces raisons, ce titre n'a simplement pas sa place dans la discographie du groupe, et est clairement le point le plus bas que j'ai ressenti dans son écoute.

La Patinoire relève heureusement le niveau, mais d'assez peu en définitive. L'ambiance funky est une bonne synthèse de toutes les périodes du groupe et aurait mérité un traitement moins plat, et encore une fois, plus rock. Comme pour Hors-Jeu, l'écriture tout en jeu de mots tente maladroitement de retrouver la malice que l'on aime chez Jenn.

XX se termine sur Dans Tes Yeux, la seule chanson que je retiendrait sans objection de cet EP. C'est à peine si l'on remarque l'absence des 3/5èmes du groupe dans son enregistrement. La simplicité efficace est enfin de retour, accompagné par une ambiance pesante et de bons effets de style. C'est le "nouveau Superbus" que j'avais besoin d'entendre.

J'aurais aimé tirer cette conclusion de tout le reste de l'album.

Suivant le groupe depuis la sortie de Wow, je ne peux qu'être déçu par XX. Le projet semble ne tourner qu'autour de Jenn (et de Patrice), laissant les autres membres du groupe sans influence notable sur le résultat. La transition opérée par Sixtape semble déjà bien loin, et j'ai peur d'y avoir fait le deuil des côtés rocks du groupe. Le fun, qui était un moteur indéniable du succès du groupe pendant 20 ans, n'y est plus. Silencio et Dans tes Yeux m'empêchent de renier l'EP en bloc, et encore, je reste méfiant sur ce que ces deux titres apportent à Superbus.

Pour la première fois, Jennifer Ayache et sa bande me font douter pour la suite. Comme si ma connexion avec le groupe et tout ce qui m'a apporté s'envolait. Pour une galette qui veut célébrer les 20 ans du groupe, ce n'est certainement pas la sensation souhaitée.