Ces dernières semaines, l'album The Yellow House s'est imposé comme peu d'autres, distillant un inattendu venin mordoré qui élève les oreilles vers des strates célestes inhabituelles. The Yellow House semble porter en son sein cette même touche de magie indicible, portée par une multiplicité de voix et un art parfait de la chorale pop, qui fait encore et toujours palpiter certains albums des Beach Boys. The Yellow House s'écoule avec un sens aigu du flux musical ininterrompu. Grizzly Bear était d'abord celui d'une seule personnalité, celle d'Edward Droste, qui avait enregistré un premier album sous le nom de Grizzly Bear tout seul dans sa petite chambre de Brooklyn. Ce disque, Horn of Plenty, n'était pas destiné à être édité. Il s'agit d'une suite de chansonnettes capturées quasiment sur le vif, avec un son brinquebalant, gringalet presque. Ce disque, dit aujourd'hui son auteur, était une sorte de journal intime, mais qui a pourtant servi à fonder le groupe tel qu'il existe aujourd'hui. Car pour jouer ses chansons intimistes sur scène, Ed a dû avoir recours à d'autres musiciens, qui ont métamorphosé ses compositions. De là est né le désir de construire un autre disque, mais cette fois-ci entièrement conçu en groupe. L'une des forces de Grizzly Bear réside dans la qualité de ses musiciens et l'étendue de leurs goûts. Du jazz de Coltrane au rock des Pixies, des compositions de Jim O Rourke aux grognements de The Fall, des horizons acoustiques de John Fahey aux pop-songs de Liz Phair, Pavement ou Nirvana : Grizzly Bear intègre un vaste melting-pot d'influences mais ne se laisse jamais déborder par elles. Les trois autres musiciens, tous issus du jazz, avouent avoir pris la décision consciente de ne plus jamais jouer du jazz . Et comme pour ne pas être pleinement pris par son environnement immédiat, New York et Brooklyn, où toutes les influences coexistent, le groupe est parti enregistrer son album plus au calme, dans le Maine, là où la mère d'Ed possède une maison aux couleurs jaunes (d'où le titre du disque). Ce retrait du monde urbain évoque en creux quelques autres disques enregistrés loin de la ville, ou qui en donnent en tout cas la sensation. Des disques, surtout, des années 60 ou 70 : on pense au One Man Dog de James Taylor (1972), au Harvest de Neil Young (1972) ou encore au Bradley s Barn des Beau Brummels (1968). Autant d'albums qui donnent de la campagne une image posthippie, très rêveuse et idéaliste. The Yellow House est tout entier construit sur cette même part de mysticisme utopiste.(Inrocks)
À ce qu'il paraît, du côté de la Grosse Pomme, on commencerait à prendre ombrage de voir qu'à l'image d'Animal Collective, un autre fleuron de la passionnante frange du folk moderne indigène soit, lui aussi, parti signer en Angleterre. Edward Droste (chant, guitare) et Chistopher Bear (batterie), les mentors de Grizzly Bear, effectuent le plus parfait des atterrissages sur la pente douce du label britannique Warp, accompagnés dorénavant de deux nouveaux membres à part entière, Chris Taylor (électronique, basse et instruments à vent) et Daniel Rossen (chant, guitare). Certains auraient pu craindre que ce changement d'adresse discographique dénature quelque peu la candeur et spontanéité qui se dégageaient de leur musique. Ce n'est pas le cas. On retrouve dans ce Yellow House tout ce qui avait déjà tant séduit dans Horn Of Plenty (paru en début d'année chez Asphalt Duchess) : perfection et minutie des arrangements, micro-salves d'électronique et décalages inhabituels, avec toujours en filigrane l'affection que portent les New-Yorkais pour les classiques et standards du genre, les albums solo de David Crosby, Graham Nash et ceux de feu Syd Barrett pour les années 70 et, hum, les premiers Ep's de The Beta Band. Faire pencher la balance en faveur d'une ou plusieurs des dix chansons qui composent cet homogène et resplendissant recueil serait inéquitable. Mais s'il fallait absolument en nommer une, pour les frissons qu'elle procure, ce serait définitivement la valse lente et cuivrée, intitulée Marla. Rassuré, on constate que la perceptible et nouvelle présence de moyens n'aura eu pour effet que de doter le son de Grizzly Bear d'un peu plus de souffle, de rondeur et surtout de magnifier la beauté de compositions, qui, comme sous un microscope, révèlent des contours encore plus fins et détaillés. Le mariage est heureux. Souhaitons-lui de célébrer, un jour, des noces de kryptonite. (Magic)
Pour leur second album, les membres de Grizzly Bear ont fait les choses en grand. Plus ambitieux et exigeant que jamais (et refusant toujours la grandiloquence), le groupe a repoussé très loin les limites de son art. À chaque écoute, "Yellow House" déploie de nouvelles richesses ; on jurerait que le disque, fascinant et complexe sous ses apparences limpides, est hanté. Car comment expliquer autrement l'enchantement qu'il produit ? Le groupe s'est retiré dans la maison (jaune) de la mère du chanteur Edward Droste pour enregistrer - et en a profité, manifestement, pour explorer le grenier et ouvrir la malle à souvenirs, libérant les fantômes qu'elle renfermait. Les lignes mélodiques des guitares acoustiques et des banjos sont plus pures les unes que les autres ("Little Brother", "On a Neck, On a Spit") ; les choeurs rivalisent de grâce ("Knife", "Lullabye"), tandis que la batterie, particulièrement inventive, ne se contente pas d'une fonction strictement rythmique, mais rend plus chatoyante la texture quasi organique des compositions ("Knife"). Chacun des onze titres de l'album surprend à sa façon : les morceaux sont capables de prendre sans prévenir une ampleur stupéfiante ("Central and Remote") ou de s'éclairer subitement sous le coup d'éclaircies magnifiques (le lumineux "Easier"). Les constructions graciles de Grizzly Bear s'éloignent souvent des canons folk et pop, sans pour autant chercher à égarer l'auditeur ; les structures, étonnantes et sinueuses, dévoilent par leur caractère oblique les multiples facettes d'une musique sans cesse en mouvement ("Colorado"). Les morceaux semblent traversés par des sortes de "glissements de terrain" laissant soudainement affleurer des gisements de pierres précieuses ou de métaux scintillants ("Plans"). Enfin, les arrangements sont d'un raffinement rare : "Marla", valse obsédante et délicate (écrite dans les années trente par une tante de Droste), se retrouve ainsi, grâce à des cordes rêveuses, joliment nimbée de mystère. "Yellow House" est un disque vraiment marquant – une réussite étourdissante. (Popnews)
Les New-yorkais de Grizzly Bear ont toujours conçu la musique comme un dangereux mélange souvent instable et dont on ne tire le meilleur qu’au bout de très prudentes manipulations. Alors que leur premier album "Horn of Plenty" a été réédité au printemps dernier agrémenté de remixes, les revoici avec leur second opus, démontrant qu’ils sont désormais des laborantins expérimentés.
En effet, toujours sur une base folk pop, les compositions marquées par une certaine mélancolie semblent avoir encore gagné en maturité. Des arrangements toujours soignés : quelques dissonances, des touches d’électroniques, un banjo et surtout une multitude d’harmonies vocales qui rendent le tout majestueux sans jamais être pompeux. Comme des Beach Boys avec d’autres préoccupations que le surf et les filles, ou peut-être la frustration de n’avoir ni l’un ni l’autre…Mais là où les High Llamas, par exemple, n’ont su dépasser le stade de la première chanson, Grizzly Bear ne s’enferme pas dans le schéma couplet-refrain ou les clichés, et développe des formules toujours riches et surprenantes. Comme cette valse, Marla, que la tante d’Edward Droste, auteur et chanteur du groupe, avait écrit dans les années 1930 et que le groupe reprend d’un coup de griffes, pour la faire sienne. En signant avec le label d’electro Warp, Grizzly Bear ne perd rien de sa superbe, dévoilant des chansons soignées à l’extrême sans pour autant perdre son humanité. L’un des albums les plus réjouissants de cette rentrée ! (indiepoprock)