En 1982, nous étions tellement jeunes. Et Edwyn encore plus que nous. Regardez ses photos de l'époque et vous verrez la parfaite représentation de la bouillonnante scène écossaise de ces années désormais qualifiées de "post punk". Des années de joie, d'excitation, d'espoir aussi. Avec ses collègues et amis et concurrents de Aztec Camera ou Joseph K du label Postcard, Edwyn Collins le magnifique et Orange Juice étaient en 1982 en train d'inventer une manière nouvelle de faire de la musique, finalement assez différente de celle des Anglais, là-bas, loin au Sud, à Londres ou à Manchester (... même si quelques notes cristallines de guitares et quelques intonations peuvent évoquer ici les Smiths...). Car la grande idée de Collins et consors, c'est de rester fidèles à la soul éternelle, au funk, de faire swinguer et vibrer la brume de Glasgow comme si l'héritage des musiques noires y était plus vivant qu'ailleurs. Le tout en n'oubliant jamais qu'on a appris la musique en écoutant aussi les albums du Velvet ou des Modern Lovers (d'où le titre de ce premier album, inspiré de Jonathan Richman...). Il y a peu de disques dans l'histoire du Rock qui sonnent comme ce "You Can't Hide your Love Forever", aussi foutraques, aussi amateurs, j'menfoutistes presque, tout en exsudant une classe aussi folle. Ce mélange de détachement un peu dandy et de mélancolie dansante nous va toujours droit au coeur... pourvu qu'on en ait un qui batte encore. Il y a ici quelques tubes potentiels ("Falling and Laughing", que Edwyn jouera encore trente ans plus tard alors que la maladie, cruellement, l'aura privé de l'usage de ses doigts, lui le guitariste magique..., ou "Felicity" dont Morrissey prétendait qu'il s'agissait de sa chanson préférée), mais comme embryonnaires : comme si polir des diamants bruts n'avait jamais été réellement la préoccupation de Orange Juice. Bien sûr, personne n'allait acheter ce disque à l'époque, et ce groupe si brillant, si original, allait entamer ici une carrière qui s'apparenterait à un long dérapage incontrôlé. Mais, vu de 2017, cela n'a aucune importance, puisque nous aurons été nombreux à y puiser de l'inspiration et de la joie (demandez donc à Alex Kapranos d'où lui vient "l'énergie positive" de son Franz Ferdinand...). Puisque cet album aussi bancal qu'enchanté existe. [Critique écrite en 2017]

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le 23 sept. 2017

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Eric BBYoda

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