“You Know Who You Are” titre Nada Surf pour son huitième album, et ce n’est pas peu dire que le groupe sait effectivement qui il est. On ne résiste pas au succès précoce d’un “Popular” abrasif au beau milieu des 90’s sans quelques belles certitudes, ou tout du moins, sans une capacité à marquer son identité au fer rouge, par la grâce d’une carrière qui aura égrainé pendant près de 20 ans les perles Power-Pop avec une science de l’écriture aussi stupéfiante que tranquille.
Car Nada Surf n’a jamais semblé forcer, pour imposer un songwriting certainement moins tapageur que certains l’auraient souhaité à leurs débuts, mais recelant et révélant au fil des disques de véritables trésors mélodiques. Si ce dernier effort confirme évidemment tout le bien que l’on pensait d’eux, il constitue cependant une toute relative déception, peut-être insuffisamment enclin à se mettre en danger.


“You Know Who You Are” semble en effet revendiquer sa légèreté, évitant presque l’effort au profit d’une sorte de luminosité naturelle, comme pour dire qu’on n’est jamais meilleur que lorsqu’on se montre tel qu’on est, sans fard ni artifice. Pourtant, après quatre premiers titres impeccables et notamment un “Cold To See Clear” irrésistiblement revigorant, l’album se complait dans un confort un brin routinier, laissant poindre un ennui qui n’enlève cependant rien au savoir-faire du quartet. Car si “Out Of The Dark”, “Rushing” ou “Animal” défilent sans déplaisir, en habiles Pop songs qu’elles sont, portées par la voix éternellement juvénile de Matthew Caws, elles manquent aussi de surprendre, d’instiller du doute et des aspérités dans des formats certes maîtrisés mais relativement balisés. Le talent du groupe demeure toutefois si pur qu’il tire toujours le meilleur de la moindre ritournelle, pour en faire d’authentiques armes de séduction mélodiques. Il faut dire que profitant depuis peu de la présence de l’excellent Doug Gillard (Guided by Voices, entre autres), Nada Surf est certainement aujourd’hui mieux paré que jamais à soigner jusqu’à la moindre note, pour des arrangements d’une précision rare. On ne peut pourtant pas s’empêcher de regretter un déficit patent d’intensité, cette-même intensité qui a fait la force d’un “See These Bones” (Lucky) ou des ballades vaguement mélancoliques d’un “Let Go”. Ici, tout est sous contrôle et c’est paradoxalement lorsque le groupe se risque à venir perturber les évidences qu’il hisse ses chansons au-dessus de la mêlée : les subtiles dissonances d’un “Friend Hospital” ou la nostalgie diffuse d’un “Believe You’re Mine” confinent ainsi au magnifique, pour qui sait entendre. De la même façon, lorsque “New Bird” ou le titre éponyme accélèrent le rythme, on ne peut que se réjouir de voir Nada Surf sortir (timidement) la tête d’une partition exécutée en roue libre. Étant entendu qu’un Nada Surf en roue libre, c’est toujours plus abouti qu’un groupe lambda qui se donnerait du mal.


Malgré une notable baisse de rythme à mi-parcours, Nada Surf signe donc un (autre) bon disque, auquel il manque peut-être juste une forme de gravité, au-delà des évidences et des acquis. Restreignant presque volontairement ses ambitions pour un plaisir plus simple et immédiat, “You Know Who You Are” reste cependant un modèle du genre, que l’on ne rechigne jamais à écouter. Preuve qu’il n’est peut-être pas si nonchalant ni même dénué d’une forme de richesse, qu’on n’aurait pas forcément soupçonnée à la première écoute.

Yo-Dan
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le 16 févr. 2021

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