Un dernier petit coup pour la route ? Serge a usé et exploité le filon jusqu’au bout, jusqu’au trou du cul. Le tempo laid back. En mâchant les mots derrière le micro, qu’on ne comprend plus rien à ce qu’il dit. Entre Thelonious Monk et quelques Bronski Beat. Sur les trottoirs du Bronx, à la recherche de…Samantha ! Et il tombe sur deux police BLACK adepte du colt cobra. Je défie quiconque de pas avoir les…foies. Sens de la formule imparable. Mise en scène impeccable. Sa formule magique est éprouvée. Une basse funky. Un thème imprenable. Une poétique urbaine et sale juste ce qu’il faut. Une section rythmique réduite à l’essentiel. Un beat binaire perpétuel, qui t’empêche de penser, tout en te faisant bouger les…reins.
Ça a marché à tous les coups. Et ça marche encore toujours. Un contrechant subtilement viril, et un parfum du ghetto. You’re Under Arrest, rap. Avec le solo de sax au milieu comme il se doit, années 80 oblige. Il fait tout le temps le même truc, mais ça marche, pourquoi s’arrêter. Il va le re-refaire, et ça va re-marcher encore.
Five Easy Pisseuses. De mes five easy pisseuses, j’ai préféré la six. Quel con. Le franglais érotico-poétique qu’il a carrément inventé marche toujours. La lolita qui l’obsède, l’inspiration du jour, c’est la plus noire de peau, la plus lascive. Samantha ? Ballade pour sa pisseuse préférée. Avec des rimes en X, comme de bien entendu. Pervers. Il applique la recette du chef, qui est payé pour nous étonner en nous réservant notre plat préféré, et arrive quand même à nous surprendre. Comment il fait ? Même avec ses coups de génie, et sa capacité d’adaptation hors-norme dans la chanson française, il devait être dépassé depuis longtemps. Pourtant la sécheresse des arrangements, et l’épure rythmique nous dit bien quelque chose ; c’est comme ça que se sont terminées les années 80. C’est pour ça que je n’éprouve pas de nostalgie.
L’album est sans remords, sans regrets. Album d’époque, studio. Comme hors du circuit, hors promo. Avec un regard d’avance. Comme un bye bye assumé jusqu’à l’os. Baille Baille Samantha. Bye bye les année fric. Mais dis donc ? C’est pas la rythmique zouk que je sens là ? Mais oui, ce morceau c’est du zouk déguisé en funk. Merde !...Champion de la voltige, Serge. Bye bye les année fric. ll lui reste son imaginaire, ses obsessions (sexuelles). Suck Baby Suck. Sa langue prolixe. Et sa plume toujours aussi incisive. Le seul qui arrive à faire bouger la langue de Molière en question-réponses :
Sur le CD de Chuck Berry Chuck. Et le solo de sax… qui se perd dans les ailes, et les éclats électriques de la guitare. C’est sec comme un punch. Et des chœurs (masculins), maigrelets mais suffisants.
Gloomy Sunday. Déclaration d’amour, et de fin d’amour. De désamour. Beau mouvement de basse. Beau soliste de sax. La même formule (magique ?) à chaque morceau. « Alors tu reviendras je serai parti ». Maillage artificiel, entre l’intime et la fiction. Histoire vraie, fausse ? Qu’importe. On oublie tout, grâce à ce satané groove.
Aux Enfants De La Chance. Tube. Pour une fois, il semble sérieux, malgré les jeux de mots, et le ton détaché, on sent le message. Ballade avec message à la clé, ce qui est très rare, voire inédit chez lui. Un avertissement paternel à une jeunesse qui semble prête à se foutre en l’air avant l’heure dite. L’horreur….shoot. Shit. Shoot. Shit. Mais les obsessions formelles reprennent le dessus. Samantha ! La nymphette qui n’en a rien à faire de son Shotgun/ Shot gunnn…/ à dire en chœur, ça marche mieux. Le génie de la formule qui reste dans la tête. Le chœur balance : Shotgunn, pendant 4mn01, sans discontinuer. Et on en demande encore. Avec mon….Shotgun. Il peut tout se permettre, la preuve. Il fait tout ce qu’il veut.
Glass securit. Une ode au cunnilingus, il me semble, non ? Peut-être. Qu’importe. La basse caressante. Les synthés dans l’ombre. Et la batterie précise comme une machine, qu’on dirait une machine. Et Serge qui ne fait même plus l’effort de chanter, ça marche assez bien comme ça, pourquoi en rajouter, hein ? Et puis merde… Je quitte tes muqueuses…shit. Mallarmé dixit. Je cite. On peut faire ce qu’on veut du beat. Et arrondir la rime avec science. Cultivé le dandy, et vous pouvez frimer tout en dressant le rythme. Prenez-en de la graine les petits jeunes. Je prends mon baise-en-ville. Je ferme mon baise-en-ville. Ras le cul de toi. C’est Dispatch Box, tube qui a du faire fureur sur les radios FM. Avec un poil de sentiments mineurs, comme pour faire un pied de nez à la mélancolie. Un sentiment très british. Pas étonnant que les rosbifs l’adorent. Il le leur rend bien.
Et pour finir, Mon Légionnaire. La chanson du légionnaire, revue et corrigé. Une sacrée correction. Le légionnaire en ressort la tête cabossée, défiguré, en sang mais heureux. La dernière période du poète du groove, son dernier coup de rein. Depuis Aux armes…il ne se renouvelle plus. Mais lui sait qu’on n’invente plus grand-chose. Que le monde consiste à recycler dorénavant. Et ça, il le fait à merveille. Il a retourné la Marseillaise, pour en faire un bébé jamaïcain. Là, il couche avec un légionnaire. Et par n’importe lequel. Mon légionnaire. Avec des arrangements inattendus. Et c’est reparti pour un tour. Il m’a aimé toute la nuit sur le beat ma non topo, ce salaud.
Mon Légionnaire. Et ça danse pas mal, cette version. On l’impression d’une partie de jambes en l’air, dis donc ! Les auteurs originaux, Raymond Asso, et Marguerite Monnot n’y comprendraient rien.
« Il a changé notre morceau, et le sens de la chanson ». C’est vrai, c’est vrai. Mais écoute ça…Pas mal, non ? C’est pas sérieux ? Je sais, je sais. Mais écoute ça ! Écoute ça ! Une chose est sûre. Serge, lui, il rigole doucement.