Ten count, c'est à la fois du yaoi bien classique dans ses mécaniques (je t'aime, oui, non, je sais pas où j'ai mal mais je te laisse prendre tes aises...) et un petit ovni à son échelle. Les clichés du genre, on les connaît, ils sont parfois amusant, parfois tolérables quand l'histoire est à la hauteur et franchement insupportables quand indubitablement, elle ne l'est pas.
Ce "Ten count", qu'est-ce qu'il vaut alors ?
Je suis un peu partagé en fait..."Ten count" pour moi fait partie des "mangas mensongers", ceux qui vous renvoient un attente calibrée lorsque vous commencez à les lire en collant aux codes d'un genre et d'un style - ici le manga shônen-ai plan plan mignon - et bascule dans une tonalité différente en vous prenant au dépourvu. Et contrairement à pas mal d'oeuvres, "Ten count" bascule lentement, presque insidieusement dans la relation "malsaine". Pourquoi j'utilise des guillemets ?
Parce que point de seme violent ici, de réel abus physique - quoique - ou de torture mentale. En fait, le plot de départ est très simple mais permet la mise en place d'une relation physique et amoureuse basée sur...le dégoût. Le héros, Shirotani, est mysophobique, autrement dire, phobique des germes et de la contamination, à un stade pathologique. Il porte des gants, s'est pratiquement arraché la peau des mains à force de se les laver, est tétanisé à l'idée du moindre contact avec un autre être humain et en est arrivé à un stade où son propre corps l'effraie et le rebute. Si tous ces éléments peuvent paraître assez trash, ils sont pourtant mis en place de manière tellement simple, presque banale que leur impact s'en trouve modifié, devenant plus insidueux. Si le personnage de Shirotani a tout du personnage masculin hyper émotif classique de manga yaoi, sa névrose lui donne une dimension moins ridicule et j'avoue avoir éprouvé un soupçon de malaise en le voyant imaginer son corps "pourrir" là où son amant le touche. Takarai Rihito semble également aimer s'attarder sur les mains abîmées de son héros (et leur sensibilité)...
Malgré l'ambiance relativement paisible et fleur bleue du manga, ce dernier conserve un léger aspect "dérangeant" sans lequel il est probable que je n'aurais pas autant accroché.
Côté dessin, c'est assez dépouillé mais cela reste esthétique dans l'ensemble, ni plus ni moins de ce qu'on attend d'un yaoi axé davantage sur la psychologie des personnages. Je trouve cependant que la qualité du dessin se dégrade quelque peu sur les derniers tomes ( ou l'auteur a changé d'assistant ou son éditeur lui a demandé d'accélérer son rythme de travail mais dans tous les cas, ça ne réussit pas tellement au trait). Ceci dit on est loin des catastrophes visuelles du yaoi vendu au kilomètre et les personnages sont assez expressifs.
"Ten count" aurait pu être réellement trash et basculer dans l'horreur mais reste pourtant dans les chemins balisés du yaoi tout en se nimbant de ce background légèrement malsain, sans l'exploiter totalement...du moins pour le moment. En commençant à le lire, je m'attendais à du gentil yaoi neuneu et si le changement de direction reste encore timide, il est bien là. Bref, je reviendrai sans doute à cette critique une fois la série terminée mais je suis curieux de voir ce que Takarai Rihito va faire d'un tel potentiel, en espérant qu'elle ne fasse pas mentir ses (superbes) couvertures.