Avec Ten Count, Rihito Takarai nous offre une nouvelle histoire avec des personnages fragiles. Ici, on peut toutefois penser que l'ensemble est bien plus complexe puisqu'on a un homme totalement affaibli par sa maladie. Un affaiblissement si profond que bien qu'il dise aller bien, on constate que dans le fond, cela le ronge énormément. Il faut dire que la mangaka n'hésite pas à approfondir le personnage de Shirotani nous révélant un homme très sensible et qui, aussi étrange que cela puisse paraître, semble vivre avec sa maladie comme s'il ne formait qu'un tout avec elle. Toutefois, c'est aussi un personnage qui ne veut pas mettre dans l'embarras. On va donc voir que le personnage cherche à s'adapter aux divers environnements que lui impose son métier tout en évitant de mettre les autres trop mal à l'aise avec sa phobie. Pour autant, sa rencontre avec Kurose va provoquer quelque chose chez lui. Notamment cette envie de sortir de ses blocages qu'il s'est imposés depuis bien trop longtemps. Le personnage sait pertinemment que cette maladie, au-delà des simples répercussions physiques (peau abîmée à l'excès) est surtout un frein dans sa vie sociale.
Tout cette dimension est parfaitement retranscrite par la mangaka qui, comme à son habitude, cherche à dévoiler tout cela avec la finesse qui la caractérise. On n'est pas dans un rapport où on essaie de décrypter les tourments cachés du personnage. Shirotani ne semble pas avoir de choses cachées mais il est vrai que cette maladie le cloisonne et l'empêche d'avoir des relations humaines. La présence de Kurose va être un déclic et on se rend bien vite compte que les deux ne sont plus tant que cela dans un rapport patient/médecin, même si cet aspect est davantage visible chez Shirotani. Du côté de Kurose, sans doute rattrapé par sa conscience professionnelle, il va mettre un frein à relation de confiance qui s'était établie (sans toutefois entièrement mesurer les conséquences de son acte).
Le traitement de la maladie est très mis en scène par la mangaka. Quelque part, je pense qu'on peut se reconnaître en Shirotani. Que l'on soit atteint d'une maladie ou non. On voit ainsi combien il a du mal à dépasser sa phobie : prendre le métro est une véritable torture pour lui (entraînant une perte de connaissance pour dire), serrer la main de quelqu'un est aussi une douleur. Des gestes anodins pour beaucoup apparaissent comme perturbants pour lui comme si cela contribuait à désorganiser son "monde" bien structuré. On ne peut que se prendre d'empathie pour cet homme qui cherche à se dépasser en dépit de tout, mais qui ne peut contrôler ses craintes. L'ensemble est, par ailleurs, sublimé par la narration très limpide de la mangaka. Comme à son habitude, on arrive à ressentir les failles de son personnage mais également à sentir le léger trouble de Kurose dont les motivations restent encore bien floues pour l'instant. Shirotani ne lui a rien demandé foncièrement, pourtant, il choisit de l'aider : est-ce réellement désintéressé?
Il reste que l'ensemble est vraiment intéressant et pertinent. On suit l'évolution et les petits progrès de Shirotani avec émotion. On appréciera ce qu'il cherche à entreprendre comme lorsqu'il cherche à connaître davantage l'autre collègue dont j'ai oublié le prénom. On comprend bien que le personnage se reconstruit de cette manière. Certes, le chemin sera sans doute long mais il change, il se lance des défis et cherche à s'ouvrir aux autres. Si on tatillonne un peu, on pourra dire que les "connexions" se font un peu rapidement, mais il ne faut pas non plus trop chipoter car la mangaka arrive parfaitement à rendre l'ensemble crédible. A côté de cela, plus Shirotani progresse, plus on constatera que Kurose s'éloigne? Un aspect que le premier vit un peu difficilement...
Ce premier volume reste tout ce qu'il y a de plus doux. La seule chose que l'on peut facilement voir, c'est les liens qui se tissent tout doucement. Mais, on pourrait presque ranger ce tome dans un "shônen-aï". La mangaka préfère focaliser sur la subtilité que sur la brusquerie (si je peux m'exprimer ainsi).
Quant aux dessins, c'est toujours un régal!
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