Les récits de prison sont un sujet qui m'intéresse, du coup quand je tombe sur un d'entre eux, je teste. Habituellement c'est en littérature que je trouve ce genre d'histoire, c'est donc une première en tant que BD.
Le récit se suit plutôt bien. L'auteure aurait peut-être pu aller plus loin dans le quotidien des détenus mais ça reste tout de même un survol immersif, où l'on comprend ce que ressent le personnage principal. L'une des force du récit est de ne pas avoir approfondi le passé du personnage : a-t-il vraiment participé au viol ou pas ? Chacun pourra se faire sa propre opinion. Mais en occultant ce fait, on en vient plus facilement à considérer avec objectivité les conditions de détention, on ne peut donc qu'acquiescer au message qui nous est proposé, comme quoi la prison n'aide en rien les détenus, qu'il manque des aides, des moyens pour vraiment permettre aux jeunes de faire leur peine sans se sentir pour autant rejeté ou abandonné par la société. L'auteure déconstruit aussi certains mythes avec intelligence (les personnages n'arrêtent pas de parler de violence et la craignent tous alors qu'au final ils sont tous assez sages et se contentent de lancer des menaces : la violence est donc là, mais invisible).
Le graphisme est plaisant. Pas un super dessins époustouflant, mais un travail qui permet de suivre le récit sans difficulté, avec ce qu'il faut de détails au niveau du décorum. Les personnages sont bien reconnaissables. Le découpage est sobre et efficace. La mise en page également. Les textes sont bien écrits, lorsque la musique vient gêner le personnage, cela se manifeste par du texte envahissant la case. Le choix d'une simple lavis brunâtre renforce le côté étouffant de la situation mais permet aussi de créer de jolis contrastes, d'amener de la profondeur. Le dessinateur propose aussi un jeu de perspective intéressant afin de mieux situer l'état mental du personnage.
Bref, si le récit aurait pu être poussé plus loin, cela reste tout de même une BD bien exécutée tant au niveau narratif que graphique.