Premier tome d'une série de 3 qui s'annonce palpitante et se propose visiblement de faire un état des lieux de la lutte contre la ségrégation après guerre aux États-Unis. C'est vrai que cette anomalie démocratique ne cesse de fasciner et que les documents abondent en ce moment à ce sujet, sous toutes les formes. Si je reprends les mots de James Baldwin cités par Isabelle Poitte dans Télérama à mon compte, l'Amérique blanche a un douloureux examen de conscience à faire : "Votre rêve est un leurre; votre histoire, une fiction; votre mode de vie, le témoignage d'une pauvreté émotionnelle abyssale." On commence seulement à entrevoir dans quelle mesure tout ceci est vrai, mais aussi dans quelle mesure nous en avons tous été complices à un moment ou à un autre, en acceptant de croire aux fariboles faciles qu'on nous envoyait depuis l'autre côté de l'Atlantique. Cette BD est un autre caillou dans la chaussure du Sud ségrégationniste et du suprémacisme blanc en général. Après, quand on considère la montée de la xénophobie décomplexée dans notre société qui se croit moderne, on se dit qu'il n'y a pas encore eu assez d'avertissements de ce genre. En tout cas, dans le cas qui nous occupe, la narration, qui fait des allers et retours entre 2009 et l'époque des Droits civiques, est plutôt bien goupillée, tandis que le dessin, dans un noir et blanc souvent très réussi, contribue à soutenir l'intérêt pour l'engagement d'un militant dès son plus jeune âge. J'en retiens surtout sa gratitude envers l'école et les livres, qui lui ont permis d'élargir ses horizons et de se sortir d'une posture passive encouragée par ses parents, vivant depuis leur enfance dans la crainte de représailles sanglantes. Qui nierait l'impact de la connaissance sur une jeune âme ? Les mêmes qui déboulonnent joyeusement depuis 15 ans l'école publique, gratuite et laïque, je présume... on n'a pas fini d'en mesurer les conséquences. Les livres pourraient nous y aider. Tiens, commençons donc par celui-ci...