1962-1963 - Thor : L'Intégrale, tome 5 par arnonaud

C'est dans le 82e numéro de Journey into Mystery, en 1962, que Thor fait ses débuts dans l'univers Marvel. Il est l'un des premiers super-héros du silver age de l'éditeur. Ce qui est assez déstabilisant, mais qui rend cette intégrale fascinante, c'est que Thor est un personnage qui a bien évolué depuis sa première apparition.


A la base on suit le frêle médecin Don Blake qui trouve une canne dans une grotte et quand il frappe celle-ci, la canne se transforme en Mjolnir et il prend l'apparence du dieu nordique Thor et acquiert de nombreux pouvoirs. On a un concept assez proche de Captain Marvel/Shazam qui joue beaucoup sur la transformation du frêle être humain en demi-dieu pour déjouer des obstacles, à cela s'ajoute le fait que se tenir à l'écart du marteau durant plus de 60 secondes l'oblige à se retransformer en Don Blake. Et il y a un côté très Superman également, dans les pouvoirs bien entendu mais aussi dans toute la gestion de l'identité secrète qui rend son amour pour l'infirmière Jane Foster impossible.


Et on voit bien que c'est le fait d'avoir un héros similaire à ces deux icônes qui intéresse Stan Lee et Jack Kirby à la base puisque toute la mythologie asgardienne, qui est pourtant responsable d'une bonne partie de l'originalité du héros, est complètement mise de côté dans un premier temps. Loki n'apparaît qu'à partir de la 3e histoire, et Asgard est vraiment révélé par petite touche, sans jamais expliquer pourquoi Thor est obligé de partager sa vie avec celui qui a trouvé son marteau là où tous les autres dieux vivent tranquillement à Asgard. Et c'est même l'esprit de Don Blake qui est aux commandes quand il est sous forme Thor, ce qui le rend encore plus étrange par rapport aux autres dieux ! Ça se dissipe un peu en court d'intégrale, où la forme Thor évolue dans son phrasé, et il semble y avoir une évolution de la pensée de Don Blake qui se pense de plus en plus comme le fils d'Odin et pas juste un type qui se transforme en dieu surpuissant. Mais bon, on attend la vraie origin story du héros (qui arrive dans le #115 je crois). Et au niveau d'Asgard on sent que les choses évoluent en fin d'intégrale avec Lee et Kirby qui se mettent à raconter les "Tales of Asgard" qui sont une adaptation des légendes vikings à la sauce Marvel, développant les différentes espèces et lieux autour d'Asgard et le passé lointain d'Odin, Thor et Loki.


L'un des aspects intéressant de cette intégrale, c'est que passé les 7 premières histoires (qui ne font que 12 pages chacune, Journey into Mystery étant encore une compile de plusieurs récits à l'époque), Jack Kirby quitte les dessins, sûrement inspiré par d'autres héros. C'est vraiment étonnant quand on sait que la série deviendra sa série phare avec les 4F à la fin des années 60... Mais il faut croire que la formule de l'époque ne le passionne pas et on se paye rapidement Al Hartley puis Joe Sinnott aux dessins, ce dernier s'occupant d'une grande partie des épisodes de l'intégrale. Même au scénar', Stan Lee n'est qu'au "plot" pour la majorité des épisodes, laissant le script à Larry Lieber dans un premier temps puis à Berns ensuite quand Kirby se barre.


Les remplaçants ne sont pas mauvais, mais le dessin dynamique de Kirby manque, et quand on voit le retour de l'équipe Kirby/Lee en fin d'intégrale pour l'épisode face au Lava Man, on ne peut que constater leur supériorité dans la manière de mener la partie soap-opera du titre qui prend une toute autre ampleur, que Lee continuera aux côté de Don Heck dans les derniers épisodes de l'intégrale, pendant que Kirby se consacre aux Tales of Asgard.


Globalement les histoires de cette première intégrale ne sont pas incroyables. On retrouve avec joie la dynamique super-héroïsme/soap-opera, toutes les joies de la gestion de l’identité secrète et on a le droit à une bonne dose de rebondissements complètement farfelus et improbables comme seuls les comics de l'époque savaient le faire, mais on est loin des 4F et surtout des Spider-Man sortant quasiment à la même époque.


Globalement, ça manque pas mal d'ennemis charismatiques passé Loki qui revient sans-cesse. Il y a pas mal d'épisodes, surtout dans les premiers, où Thor ne fait qu'affronter des bandits, des communistes ou des vilains sans lendemain. Et ses premiers super vilains ne sont pas les plus fous : on a Zarkko l'homme de demain, l'homme radioactif et ses pouvoirs improbables, Lava Man... Il faut bien se rendre compte que King Cobra est présenté comme un vilain redoutable... Seul Mister Hyde semble à peu près à la hauteur de l'enjeux. En tout cas on sent la paranoïa de l'époque vu le nombre d'épisodes qui tournent autour d'une peur d'un ennemi qui prendrait notre place sous la forme d'un double ou qui inverserait notre personnalité, quand ce n'est pas les deux à la fois. Le tout sur fond d'invasion aliens, de Thor qui aide l'armée américaine, quand il ne va pas carrément taper du communiste... on est clairement dans le début des années 60.


Mais on sent franchement une amélioration dans les derniers épisodes. Les super-vilains commencent à arriver, on reste un peu moins dans le statut-quo au niveau de la relation Jane Foster-Don Blake, avec pas mal d'idées amusantes à ce niveau (notamment quand les clients du Dr. Blake se barrent parce qu'il n'est jamais là pour les consultations, trop occupé à jouer à Thor, et Jane est persuadé qu'il passe son temps à faire la sieste dans son labo).


Donc on est bien loin du Thor d'aujourd'hui, ce qui rend curieux des prochaines intégrales, pour voir comment le basculement va se faire. Mais relire ces débuts permet aussi de voir à quel point la nouvelle Thor est un clin d’œil à cette époque, renouant avec l'axe de la double identité des débuts du héros, qui reste une dynamique très intéressante.

arnonaud

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