Dernier opus de cette série dessinée retraçant le combat des Noirs aux États-Unis pour faire valoir leurs droits civiques, centré sur l'obtention d'un véritable droit de vote, cette fois, car, dans le Sud ségrégationniste, des Blancs organisés en mafia de la pusillanimité se serraient les coudes pour empêcher les postulants à l'inscription sur les listes électorales d'obtenir leur carte d'électeur. Ce qui frappe, de prime abord, c'est la puérilité des comportements de ces grosses ordures ricanantes, sûres de leur bon droit et, surtout, de leur impunité. Comme dans une cour de récré, ils imposaient aux Noirs venus s'inscrire des brimades à deux balles, qui provoquaient cette hilarité malsaine qui accompagne chez les plus faibles d'esprit la cruauté. Lorsque les populations noires se sont organisées, encouragées par les militants des droits civiques, ces petites vexations revanchardes se sont évidemment muées en assassinats purs et simples, sans que les autorités locales ne lèvent le petit doigt pour éclaircir les circonstances de ces exécutions monstrueuses. Ni le pouvoir central, bridé par ses préoccupations électoralistes. Il a fallu aux Noirs une détermination voisine de l'esprit de sacrifice pour arracher finalement de haute lutte le soutien d'un texte de loi leur permettant de mettre un terme à la mainmise des racistes du Sud. Des points névralgiques comme Selma allaient y gagner une réputation mondiale. Cette BD donne également l'occasion aux meneurs noirs de voir leur action décrite et saluée comme il se doit. Et d’égrener la liste des victimes de la sauvagerie blanche, dans une incroyable accumulation de meurtres dont le seul but était de dissuader toute action collective chez les Noirs. Le courage qu'il aura fallu à cette communauté pour décrocher ce que la loi leur accordait depuis des années ! Cette trilogie graphique vient compléter nombre de films (Selma) et de documentaires (I am not your Negro) sortis depuis des années, destinés à faire émerger de l'ombre les héros de ces luttes contre la tyrannie d'une classe sociale dominante bien décidée à user de tout son pouvoir pour conserver sa suprématie. Cette histoire n'est donc pas que l'histoire de la communauté noire aux États-Unis, bien entendu, mais elle a cette particularité de démontrer dans le détail le fonctionnement de la lutte non-violente, ses faiblesses mais aussi son extraordinaire force de frappe, qui ne peut que provoquer l'admiration du lecteur. Le noir et blanc dramatique de ces pages tombe à pic pour accentuer les enjeux d'un bras de fer qui a couru sur une bonne partie des années 60 et dont on sait, avec le recul historique, que l'issue positive n'a pas résolu tous les problèmes engendrés par un déséquilibre fondamental à la base des rapports de classe aux États-Unis. Ça pourrait/devrait servir de leçon à la Terre entière... sauf si on est vraiment trop cons, mais ça, je refuse de l'envisager...