C'est aujourd'hui un immense business planétaire. Mais, on l'oublie parfois, le hip-hop est né dans la rue, il y a une quarantaine d'années. Et, comme beaucoup de courants artistiques d'abord marginaux, son histoire est souvent peu documentée. Fan de la première heure, l'Américain Ed Piskor s'est lancé un immense défi. Avec Hip Hop Family Tree, il nous raconte en bande dessinée la genèse de cet incroyable mouvement.


Apparu dans le quartier new-yorkais du Bronx à la fin des années 70, le hip-hop, d’abord contre-courant inventé en réaction au disco omniprésent, s’est depuis imposé comme un genre musical majeur sur la planète. Impliquant des dizaines de protagonistes ayant contribué, chacun de leur côté, à inventer ce mouvement qui mêle DJ’s, MC’s et graffeurs, l’histoire du hip-hop brille surtout par sa complexité. C’était compter sans le génie d'Ed Piskor, qui s’est mis en tête de nous la raconter en bande dessinée, que les éditions Papa Guédé ont eu la bonne idée de traduire pour le marché francophone (mais anglophile, les paroles des morceaux restant en VO).


Après un premier volume (sorti en septembre dernier et consacré principalement aux années 70) qui décryptait les racines du mouvement en introduisant ses acteurs majeurs comme Afrika Bambaata, DJ Kool Herc, Grandmaster Flash ou Kurtis Blow, Piskor resserre son récit sur la période 1981-1983. Alors qu’il est né dans les rues crades du Bronx, le hip-hop fait désormais son entrée dans quelques clubs de la Grosse Pomme, chez certains disquaires avisés et, bien sûr, sur les ondes radiophoniques. On assiste aux premiers pas des Beastie Boys et de Run-D.M.C., plus connus du grand public, et de labels musicaux balbutiants qui deviendront des empires comme Def Jam (qui signe aujourd'hui Kanye West, Rihanna ou Frank Ocean).


Toujours aussi richement documenté (et bourré d’anecdotes), Hip Hop Family Tree retrace non seulement l’avènement du hip-hop mais également l’histoire du New York underground au début des années 80. On y croise Malcolm McLaren (l’ancien manager des Sex Pistols), le jeune peintre Jean-Michel Basquiat mais aussi Debbie Harry du groupe Blondie (dont le morceau Rapture a largement contribué à la popularisation du rap). On se perd un peu au milieu de tous ces protagonistes, mais on retient l’essentiel. Une énergie créatrice folle, des bouts de ficelle et un soupçon de génie ont donné naissance à un style musical qui a révolutionné nos vies, et pas seulement nos oreilles (regardez du côté de la mode et de vos baskets fétiches...).


Pour donner davantage au lecteur l’impression qu’il se plonge dans des archives, Ed Piskor a chiadé son style graphique. Un très grand format emprunté aux vieux comics de Marvel, un dessin old school, un encrage retravaillé sur ordinateur pour lui donner une patine vintage puis une impression sur papier à grain épais et déjà jaune donnent un aspect singulier aux albums.


Ceux-ci se terminent toujours par une discographie sélective que les éditions Papa Guédé ont eu la bonne idée de transformer en playlist sur leur chaîne YouTube. On ne saurait trop vous conseiller de la lancer pendant votre lecture pour parfaire votre immersion au pays des B-boys.


Et si vous n’êtes toujours pas convaincu, sachez que Hip Hop Family Tree est déjà traduit en neuf langues, que le premier volume était sélectionné au festival d’Angoulême l’an passé et que le deuxième a permis à son auteur de remporter le prestigieux prix Eisner du meilleur album inspiré de la réalité. Aux Etats-Unis, quatre volumes sont déjà disponibles sur les six prévus initialement. Mais il se murmure déjà que la série pourrait se prolonger plus longtemps.


On ne saurait que trop vous conseiller de vous y plonger si l’annonce par Netflix de l’annulation de la série The Get Down a été un véritable choc pour vous. Car même si elle était ultra-romancée, cette histoire du hip-hop à la sauce Baz Luhrmann n’en était pas moins intéressante et rafraîchissante. Et pour compléter votre lecture, on vous recommande vivement Hip Hop Evolution, l’excellente série documentaire sur le même sujet, disponible également sur le site de streaming américain.


Critique publiée sur Pop Up'.

Elodie_Drouard
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le 26 juin 2017

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Elodie Nelson

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