La recette est désormais éprouvée. Une grosse dose d'action saupoudrée d'une pincée d'humour pour faire retomber la tension, le tout rythmé grâce à une bande-son percutante. Voilà en gros sur quoi s'appuient tous les films de l’Univers Cinématographique Marvel (MCU) depuis la sortie d'Iron Man il y a plus de dix ans. Sauf que depuis quelque temps, les studios Marvel tendent à privilégier le versant comique de leurs productions, transformant leurs histoires de super-héros en comédies où l'auto-dérision prend le pas sur les scènes de combats musclés. La preuve avec Thor : Ragnarok, le troisième volet des aventures du fils d'Odin, transformé en machine à gags lorgnant vers la parodie de genre.
Trop de second degré tue… les super-héros
Inaugurée l’an passé avec Captain America : Civil War, la troisième phase du MCU a livré quelques bonnes surprises. Notamment avec la sortie en 2017 de Doctor Strange et du deuxième volet des aventures des Gardiens de la galaxie. Le premier, introduisant intelligemment le ressort comique alors que les comics dont il s'inspire en sont dépourvus. Le second, en jouant à fond la carte du second degré déjà explorée dans le premier opus. Car depuis Deadpool (en co-production avec 20th Century Fox) et Ant-Man, Marvel a opéré un vrai virage et assume désormais pleinement une part d'autodérision.
Un positionnement appliqué à Spider-Man, son héros emblématique revenu dans l'écurie Marvel après un tour de passe-passe avec Sony. Dans Spider-Man : Homecoming, Marvel choisit de caricaturer ce personnage emblématique des Avengers en lorgnant vers le teen movie. Incarné par le jeune Tom Holland, Spider-Man est désormais un ado inexpérimenté qui n’hésite pas à se moquer ouvertement de ses aînés.
Avec Thor : Ragnarok, Marvel enfonce le clou. Aux côtés de Hulk (Mark Ruffalo, égal à lui-même) et Korg, le géant de pierre (incarné par le réalisateur lui-même, le Néo-Zélandais quasi inconnu, Taika Waititi) traités comme des simples d'esprit, Thor (Chris Hemsworth), paraît plus pataud que jamais. Même Loki (Tom Hiddleston) est moins hargneux que d’habitude. Tentant de masquer un manque crucial d'imagination (en gros, Thor essaie d’empêcher la destruction du royaume d’Asgard), les scénaristes de Thor : Ragnarok multiplient les gags et les vannes, souvent pas drôles, au dépens de leurs héros. Au risque de tuer leurs poules aux œufs d’or ?
Des caméos pour pallier l’absence de scénario
Outre le désormais traditionnel caméo de Stan Lee, Thor : Ragnarok redouble de petits rôles et de guests. Des apparitions surprises qui ne le sont plus vraiment, la présence du Doctor Strange ayant été confirmée dans un trailer, tandis que celle d’un célèbre acteur hollywoodien a évidemment leaké.
Quant à la déesse de la mort, Hela, incarnée par une Cate Blanchett version gothique, nouvelle venue dans le MCU, elle n’a malheureusement pas assez de répliques pour marquer les esprits. Dommage, on se faisait une joie de voir cette immense actrice australienne s’éclater dans le rôle d’une super-méchante. L’autre vilain, plus drôle qu’effrayant, est incarné par un Jeff Goldblum maquillé comme pour aller à la fête de l'école (c'est quoi ce sparadrap bleu en guise de barbichette ?) et dont on ne retient pas grand chose (il incarne le grand Maître, aperçu dans une scène post-générique des Gardiens de la galaxie vol. 2.).
Reste Valkyrie, une héroïne badass comme on n'en voit plus chez Marvel (clairement lesbienne dans les comics, ce qui n’est pas évident dans le film) et vraie révélation de Thor : Ragnarok. Un rôle sur mesure pour Tessa Thompson, déjà aperçue dans Creed : L'Héritage de Rocky Balboa et surtout dans la série Westworld.
Quid du message politique ?
Avec ce virage comique assumé, Marvel lorgne donc vers un nouveau public plus jeune. Moins lourd que Deadpool, moins drôle que Les Gardiens de la galaxie et moins shakespearien que les premiers films du MCU (Thor en tête), ce Thor : Ragnarok s'assume pleinement en comédie potache. Un positionnement un peu léger au regard de l'histoire des super-héros.
Le prochain Marvel, Black Panther sortira en France le 14 février prochain. Avec un casting à la portée symbolique très forte (il est composé majoritairement de comédiens noirs), on espère que Marvel retrouvera un peu de sérieux et de contenu. Faute de quoi, il pourrait définitivement créer un schisme entre l’univers plus politique des comics et celui des films.
Critique publiée sur Pop Up' / franceinfo.fr