Avertissement : ce texte peut contenir certaines révélations sur l'intrigue du film
Thor 3 est un film qui ne manque pas d’humour. Et c’est là le principal problème. En effet, pratiquement chaque scène qui pourrait être intimiste, tendue est dédramatisée par une blague, parfois qui semble forcée. Ce qui tue dans l’œuf le rythme de l’histoire. Et le rythme, c’est primordial au cinéma. Pendant la première moitié du film, on semble frôler la ca-thor-strophe. C’est dans la deuxième partie, que la troisième métrage dédié au dieu du tonnerre reprend du poil de la bête, et pas seulement parce qu’on y voit Fenril.
Un film mitigé qui présente le défaut majeur des dernières grosses productions : trop écouter le public à travers les screen tests, les réseaux sociaux et autres enquêtes d’opinions. Ce manque de personnalisation pourrait être définitivement l’annonce de séries de films qui se confondront les uns avec les autres, bien plus que maintenant. A trop vouloir être dans le vent, Marvel oublie presque de créer une œuvre cinématographique, produit une comédie plus qu'un film de super-héros.
Enfin, aucun des matériaux d’origine n’est vraiment respecté ou véritablement adapté, que ce soit pour le côté mythologique ou la saga de papier.
Un modèle unique à venir ?
Les Gardiens de la Galaxie ont été un succès, presque une surprise. Idem pour Deadpool. Les films de la concurrence, ceux de DC, ont été souvent critiqués parce qu’ils sont accusés d’être trop sombres. Il faut noter que, Marvel ou DC, la lecture des bandes dessinées convaincra tout un chacun qu’elles présentent des histoires plus dures avec des personnages plus torturés que dans leurs adaptations au grand écran. Mais évidement, une œuvre de cette ampleur, s’adresse surtout au grand public. Et apparemment ce que voudrait le grand public c’est de la rigolade. Vraiment ? Pourtant Dark Knight n’est pas une franche pantalonnade et a réalisé un score au box office au-delà de toute espérance.
Thor est un dieu. Thor parle habituellement de la même manière qu’il y a dix siècles. Ce n’est pas exactement le comique de la bande. Il ne l’est majoritairement pas, ni dans la mythologie (qui n’est de toute façon pas très comique, il faut l’admettre), ni dans les comics mais surtout, il ne l’était pas dans les films précédents ! Si Chris Hemsworth a amélioré ses compétences de comédie et qu’il n’y a rien à lui reprocher sur son interprétation, l’orientation prise par le film en fait un resucé des Gardiens de la Galaxie. Ce dernier d’ailleurs, devait être à part, différent du reste de l’univers Marvel, à l’image des comics eux-mêmes (mais en plus drôle, une fois encore …) et il devient au final un modèle. L’exception devient la règle. Ce qui en terme de cohérence est forcement problématique. On ne retrouve rien des épisodes précédents, qu’on les juge bons au mauvais. Aucune véritable tentative de donner une ambiance épique (qui convient à Thor), absence étrange de Dame Sif alors qu’on nous la montrait de plus en plus à l’écran auparavant car une romance semblait se dessiner et enfin un mélange sans raison compréhensible entre deux bandes dessinées : Thor : Ragnarok et Planète Hulk . Avec l’humour constant d’un Deadpool, ce qui ne convient au final qu’à … Deadpool.
Car voir des dieux dirent des grossièretés pour amuser la galerie laisse perplexe. Et que dire du personnage de Valkyrie, transformé en Han Solo du pauvre, pochtronne par dessus le marché, jouée par une Tessa Thompson sans inspiration, à l’instar de l’interprétation d’IDris Elba. Mentionnons enfin l’inutile coupe de cheveux du protagoniste principal (peut-être Chris Hemsworth tournait-il autre chose en même temps ?) et la musique, reprenant des chnasons connues (encore comme Les Gadeisn de la galaxie) ou vaguement électro, entre Moroder et Vangelis, sauf que Blade Runner se jouait dans la salle d’à côté. En résumé Thor : Ragnarok fait tout pour être cool juste pour avoir l’air cool.
Avec ce mélange des genres et des intrigues originales, les puristes et les profs de fac risquent de crier au scandale. Ce n’est pas les références rapides à Beta Ray Bill et la présence de Jay Oliva dans l’équipe de story-board qui rachèteront à leurs yeux les errements d’un film très mode et trop fluo.
Pourtant le film est parti pour faire un carton comme on dit. Ce qui pourrait être préjudiciable pour les futurs productions en termes artistiques. Le futur le dira.
Les vestiges du jour
La deuxième partie propose enfin un peu de souffle et cherche soudainement à se raccrocher au matériau d’origine. Parfois un peu trop comme cet inutile arrachage d’œil par Hela, qui perd automatiquement la portée symbolique que possède cet acte quand Thor se l’enlève lui-même dans la version papier. Toutefois, l’histoire réussit à conserver un côté initiatique propre aux légendes, avec un final qui puise à la source et qui introduit une contemplation du rôle du héros. Un grand thème en somme. Et c’est sur ce point et à partir de lui que la structure du scénario permet à nouveau d'offrir de l’étoffes aux personnages, une épaisseur au récit. Au fond, il n’y a pas de secret.
Anthony Hopkins le prouve superbement, volant la scène à chaque fois qu’il apparaît. Deux jolies moments lui sont accordés, où l’humour est absent, comme si la folie du gag à répétition se devait de le respecter et les scénaristes avec. Conséquence presque logique, les plans sont alors simples, efficaces et l’émotion surgit. La relation naturel d’un père et son fils nous est montrée. Une simple falaise devient alors plus impressionnante que des tonnes d’effets spéciaux, aussi habilement soient-ils réalisés. Car le cinéma ce n’est pas simplement fabriquer une image, c’est surtout mettre en images. Et cela, la dernière mouture des aventures de Thor l’oublie trop souvent.
L’orientation « tous gags » a déjà été pointée du doigt. Chose étrange, les première critiques du film trouvent qu’il est « fun » et « rafraîchissant ». Subitement, la contradiction se fait forte et la confusion grandit. Est-ce qu’une partie du public et de la critique apprécierait dans un film ce qu’elle reproche à l’autre ? Faudrait-il qu’un film de super-héros aient des enjeux presque vides de questionnement social ou philosophique pour triompher aux yeux du plus grand nombre ?
Gageons que les studios continuent de faire du cinéma et pas simplement un produit directement issu du désir papillonnant de la plèbe, des enquêtes d’opinion, de Facebook, Twitter et des autres méthodes pour capter l’éphémère mode d’une époque. Les Marvel Studios ont montré qu’ils pouvaient avoir une vision sur la longueur. Espérons qu’ils ne viennent pas, à l’instar de Thor, de perdre un œil.
Bonus : commentaires juste après le film, à chaud et en impro !
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