La première case est entièrement noire.
Au centre de la suivante, un point blanc.
Le point blanc grossit dans les sept cases suivantes, devient un ensemble de silhouettes humaines se découpant sur un mur blanc.
Au fil des cases, on continue à avancer, vers le visage d’un homme qui regarde par une fenêtre.
Dans l’œil de l’homme se reflète un Smartphone.
On plonge dans l’objectif photo du Smartphone pour découvrir le visage de l’homme qui le tient – et un autre homme derrière lui, qui le tient en joue…
Et ainsi de suite jusqu’à la fin d’une BD hallucinante, époustouflante.
3″ est sous-titré Un zoom ludique par Marc-Antoine Mathieu.
La précision éclaire le projet du dessinateur : raconter toute une histoire selon le principe visuel du zoom avant. Lequel zoom avant est continu du début à la fin, les images et les séquences s’enchaînant grâce à un savant jeu de miroirs et de reflets. Une ampoule électrique, un vase, une montre, une bague, une dent en or (!) ou la caméra d’un satellite (!!!) : autant d’objets réfléchissants qui permettent de réorienter le récit vers une autre séquence, sans rupture narrative.
L’idée est géniale et le traitement brillantissime, d’autant plus que Mathieu se passe totalement de dialogues.
Tout passe par le dessin – en noir et blanc, à la fois épuré et diablement inventif -, les cadrages, les enchaînements, les plus petits détails cachés dans les cases. L’effet est vertigineux, tant on se sent happé, aspiré par l’image.
Ce qui est encore plus fort, c’est que le dessinateur ne se cantonne pas à un simple exploit technique. Comme je le disais plus haut, il raconte une histoire, dont les multiples micro-épisodes se déroulent… en trois secondes. « Le temps pour la lumière de parcourir 900 000 km… »
Je vous en dirais bien davantage, mais :
1/ le dessinateur se charge de le faire lui-même au début de l’album ;
2/ ce serait entamer le plaisir de l’enquête, de la chasse aux indices…
À vous de jouer, donc !