Dans tous les sens
Pratiquant la sociologie du travail sauvage, je distingue boulots de merde et boulots de connard. J’ai tâché de mener ma jeunesse de façon à éviter les uns et les autres. J’applique l’expression...
Par
le 1 oct. 2017
30 j'aime
8
Quand on ne connaît pas le travail de Marc-Antoine Mathieu, 3 rêveries peut susciter ce commentaire : Qu’est-ce que c’est que ce bazar ? Quand on le connaît, on se dit que ce qui devait arriver est arrivé. Voilà un « poème graphique » composé d’un leporello de quatre vingts pages, d’un rouleau de huit mètres et d’un jeu de seize cartes intitulés respectivement « Homo temporis », « Homo logos » et « Homo faber ».
Or, souvent, lorsque le concept qui a suscité une production artistique est à un tel point remarquable, il semble éclipser l’œuvre elle-même : une fois qu’on a décrit la chose, l’un des risques est de s’abstenir de la lire – voir par exemple la Disparition, Marelles ou Feu pâle (1). En l’occurrence, on aurait tort de ne lire ces 3 rêveries que comme une expérience formelle et encore plus tort de ne pas les lire – ou de quelque autre mot que l’on appelle cette activité.
Mais pour être honnête, à la lecture de ce coffret, une question m’a troublé : à quel moment une œuvre réussie suscite-t-elle plus d’admiration qu’elle n’émeut ? La virtuosité déployée dans ces 3 rêveries, leur cohérence – interne et par rapport au reste de l’œuvre de leur auteur –, leur richesse sont évidentes. Mais ne leur manque-t-il pas quelque enthousiasme ?
La question peut se poser autrement : comment résoudre la contradiction entre le caractère éminemment intellectuel de l’œuvre et son appel au rêve ? Et j’imagine volontiers que j’aurais apprécié différemment 3 rêveries si je n’avais pas lu d’autres productions de leur auteur.
(1) Un autre risque est de la tenir pour un pur chef-d’œuvre insurpassable sans s’imaginer qu’elle puisse être améliorée sans qu’on touche au concept. Or, on peut tout à fait écrire un roman lipogrammatique en e meilleur que celui de Perec ou un livre à lire dans l’ordre de son choix au moins aussi bon que celui de Cortázar ; quant au roman-notes de Nabokov, on a le droit de lui préférer les « Notes pour une déconstruction mentale » de J. G. Ballard.
Créée
le 1 avr. 2019
Critique lue 208 fois
1 j'aime
Du même critique
Pratiquant la sociologie du travail sauvage, je distingue boulots de merde et boulots de connard. J’ai tâché de mener ma jeunesse de façon à éviter les uns et les autres. J’applique l’expression...
Par
le 1 oct. 2017
30 j'aime
8
Pour ceux qui ne se seraient pas encore dit que les films et les albums de Riad Sattouf déclinent une seule et même œuvre sous différentes formes, ce premier volume du Jeune Acteur fait le lien de...
Par
le 12 nov. 2021
21 j'aime
Ce livre a ruiné l’image que je me faisais de son auteur. Sur la foi des gionophiles – voire gionolâtres – que j’avais précédemment rencontrées, je m’attendais à lire une sorte d’ode à la terre de...
Par
le 4 avr. 2018
21 j'aime