Dire que ce livre a changé ma vie est un faible mot.
Il a contribué à me faire rêver et découvrir une liberté post-étude que je ne soupçonnais point. J'écris enfin cette critique à l'âge qu'a ce cher Alec au début de ses mémoires magnifiquement romancées (et à la fois si simples et touchantes.) Le jeune homme a aux alentours de 24 ans. Alec est un artiste dessinateur qui vit grâce à un petit métier de découpeur de planche en acier dans une usine, tout en en voulant mettre sa passion picturale au service de son entourage. Le tout est, il le dira plus tard, de savoir How to successfuly be an artist et non pas becoming a successful artist. Alec incarne ce sentiment de liberté et ce plaisir d' ̶h̶a̶b̶i̶t̶e̶r̶ squatter des chambres d'hôtes d'un petit bar-hotel (The King Canute) et vivre au jour le jour. Oui, tout a changé et le livre incarne aussi le plaisir et le goût de la vie de bohème encore permise à la jeunesse des années 70. Alec MacGarry est mon rêveur préféré et j'envie sa culture littéraire, son aisance maladroite avec la gente féminine, son manque de tabou qui montre aussi une complaisance dans l'intimité et le non-sens de son groupe d'amis. Alec n'est bien sûr pas parfait et je cultive aussi son plaisir de s'identifier à ses amis et à puiser dans leur bienveillance pour avancer, d'avoir cette admiration pour les femmes quitte à décider de consacrer tout un chapitre de sa "vie" sous forme littéraire. Alec est un timide qui sanctifie chacune de ses paroles pour le simple fait qu'il a réussi à parler en présence d'inconnus, lorsque les mots sortent comme un lapin d'un chapeau de magicien. Comment être jeune, comment être un artiste, comment être un père, qu'est-ce que l'art; Eddie Campbell a l'humilité mais aussi le désir son dissimulé de vouloir apporter sa modeste réponse et sa pierre à l'édifice de "Personne ne peut y répondre mais vas-y j't'écoute volontiers". Il y parle entre autre de cette gravure/statue (qu'importe) médiévale qui représente cinq personnes souriantes et riantes les une sur les autres. En dessous une inscription affirme "Nous sommes six fous". Mais où est la sixième personne ? C'est vous. C'est vous le fou qui avez rejoint cette bande hilare en la regardant.
Alec est une invitation aux plaisirs de la vie et aux retrouvailles amicales, une invitation à déboucher une bonne bouteille d'un grand cru, rien que pour la joie de le faire; ce n'est pas pour rien que Campbell dédiera son inspiration à une autre oeuvre sur le dieu Antique romain du vin Bacchus.
Alec est la simplicité de la jeunesse et un épicurisme dans sa manière d'avancer et penser son avenir. Le dessin de Campbell s'affirme aussi grandement au fur et à mesure des (très) gros chapitres; d'un dessin fin et académique qui donne une jeunesse à ses personnages, au brouillon bien ébauché d'un Alec qui s'assimile à une bête antique en quête de réponses... pour ainsi donner un trait plus affirmé et simple lorsque notre rêveur gentleman préféré a maintenant les cheveux poivre et sel. Je ne le dirais jamais assez, mais Alec (autant le livre que le personnage au final) est une ode à la vie, à la jeunesse et aux parcours si rapides d'une simple vie, le tout en plus de 600 pages.
Je crois que pour quelqu'un comme moi qui peut se révéler imaginatif et en quête de fantastique, Alec MacGarry est devenu mon besoin de stabilité et de chercher un plaisir en redescendant rêver un peu sur Terre. Chaque instant a le potentiel d'un grand moment littéraire.
"Attention, c'est moi le mec le plus important de ce bestiaire. Je marche penché en avant et je me découpe des passages dans les murs à coups de bec ! Mais ici, j'adopte la position humaine pour écouter un ivrogne du nom de Jimmy Fulton: "Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possible. C'est dans Candide et tu sais c'que ça signifie ? Ça signifie qu'la situation où t'es est celle où tu mérites d'être." dit-il tandis que deux jeunes se tirent avec son manteau."
Alec, Graffiti Kitchen