Pas forcément dans le bon sens, cependant. Tout d'abord par la prédominance du nom des auteurs sur le titre de la bande-dessinée, qui laisse penser que Mosquito, l'éditeur, a davantage cherché à imposer une marque, un label, celui de « Tarek & Morinière », plutôt qu'une oeuvre originale ; le contenu est tout autant déconcertant.

Le décor, planté en noir et blanc, fait émerger la grisaille qui git dans les sombres oripeaux du crâne de Baudelaire, qui comme on le sait, héberge, planté, là, bien profond, un drapeau noir. En berne, il reflète l'esprit à la fois torturé de ce poète et la volonté en demi-teinte du graphiste de donner une identité à son oeuvre. Pari à demi-réussi, ou semi-échec, selon votre vision des choses, puisque la forme, puisque c'est elle qui nous intéresse pour le moment, patit de certaines imperfections qui troublent un peu plus l'univers noirâtre de la bande-dessinée. Je m'explique : les expressions faciales de Charles Baudelaire, par exemple (toujours affublé du sobriquet « Baudelaire »), ne sont pas toujours criantes de vérité, et s'avèrent donc parfois en inadéquation avec les propos qu'il est censé tenir simultanément. Montrant les crocs, grimaçant alors que l'assertion n'a pas lieu de le faire grimacer de cette manière, le lecteur (que je suis) serre autant les dents qu'il les fait grincer, à la vue de ces petits détails qui agaçent.

« Ces », car la patte graphique, qui mélange de façon douteuse une approche numérique du dessin, à la manière du jeu vidéo XIII (un comble quand on sait qu'il s'agit d'une adaptation de bande-dessinée), ne rend pas honneur à cet univers plaqué en niveaux de gris. Le brouillard chimérique s'estompe, malheureusement, lorsque la perfection graphique, qui ne laisse aucun trait déviant jaillir, ne peut pas davantage rester cachée derrière l'artifice évanescent de l'absence de coloration.
Ce bémol mis de côté, l'intrigue souffre, elle aussi, d'une succession de péripéties parfois maladroite, et prévisible, à la manière d'un roman policier qui prend un malin plaisir à tisser pour une énième fois les grosses ficelles du genre. Pourtant, la lecture n'est pas désagréable, le fil conducteur est maintenu malgré tout, la corde tient et on parvient sans mal au bout de ces malingres cinquante pages, qui, une fois de plus, révèlent une part d'académisme que l'on serait à même de condamner si nous étions entièrement de mauvaise foi. Car à vrai dire, il faut avouer qu'il ne faut pas bouder son plaisir, même quand la narration file les bourdes et les clichés sur la race des poètes comme des perles, au grand dam du lecteur qui réagit en son for intérieur tout en restant bercé par le maelström bouillant d'un ciel ténébreux parcourant de long en large l'animation sauvage de ces vignettes.


En résumé : sans trop vous dévoiler des ressorts de l'intrigue, je peux vous affirmer sans mal que le Baudelaire de Tarek & Morinière pêche autant par la forme que par le fond, qui lui, est, comme on le sait, foncièrement humain, et c'est bien pour cela qu'on lui accorde tout écart qualitatif.
Adrast
5
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le 14 déc. 2010

Critique lue 139 fois

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D'autres avis sur Baudelaire ou le roman rêvé d'Edgar Allan Poe

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