Pétrole pas très brut
Il me semble que les B.D. éducatives ont toujours existé : du temps où bande dessinée rimait avec gamineries, des âmes de pédagogues soucieux de sauver la jeunesse mettaient entre les mains...
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le 9 nov. 2019
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Il me semble que les B.D. éducatives ont toujours existé : du temps où bande dessinée rimait avec gamineries, des âmes de pédagogues soucieux de sauver la jeunesse mettaient entre les mains d’enfants naturellement en perdition des illustrés destinés à leur assurer quelque instruction en matière d’histoire, de morale ou d’économie domestique. Il me semble encore que l’un des mérites des auteurs les plus intéressants à partir des années 1970 – et plus tôt pour quelques brillants précurseurs – fut précisément de trancher, en biaisant plus ou moins, avec tout ce qui ressemblait à des ambitions didactiques. (Qui a dit Métal hurlant ? Qui a utilisé le mot subversion ?)
Je dirais volontiers que Bleu pétrole renoue avec cette tradition du docere et placere, s’il n’était pas parcouru par une autre tradition, plus récente et en rapport avec la même ambition de faire sérieux : celle du récit familial graphique. Oui, rajoutez graphique derrière, ça force la respectabilité. Comme si Blueberry, les albums de Schuiten et Peeters ou l’Incal n’étaient pas déjà des romans graphiques… Mais il fallait donner des lettres de noblesse à un huitième ou neuvième art qui apparemment en manquait – et tant pis si en s’en rapprochant, la bande dessinée est devenue aussi chiante et nombriliste qu’une partie de la littérature générale actuelle. Fin de la digression.
En relatant, sur fond d’histoire familiale, la marée noire de l’Amoco Cadiz, l’album remplit peut-être son double objectif, non seulement instruire le lecteur – peu de données chiffrées, mais une chronologie précise et des compléments en fin de volume –, mais aussi l’émouvoir : la sympathique famille simple mais honnête de paysans bretons, la méchante multinationale, le petit frère différent, le grand frère parti en coopération qui rappellera peut-être quelque souvenir à qui avait vingt ans en 1978…
Mais si émotion il y a, je ne vois pas comment elle peut être esthétique, ce qui est toujours gênant s’agissant d’une œuvre d’art : un scénario aussi plat que prévisible, un trait absolument dépourvu d’identité, des personnages dont j’espère qu’ils sont moins ennuyeux que leurs doubles réels. Comme si les auteures s’étaient du début à la fin échinées à gommer la moindre aspérité.
Sinon, Bleu pétrole est aussi le titre d’un album de Bashung, infiniment plus envoûtant, plus riche et préférable.
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le 9 nov. 2019
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