Ce comics regroupe les 6 épisodes de la minisérie du même nom (parus en 2010). Ils forment une histoire complète indépendante de toute autre.


Steve Newman et Joey Spinoza ont un métier peu banal : ils sont chargés de débarrasser les possessions de défunts intestats et n'ayant pas d'ayant-droits. Ils se rendent donc au domicile du défunt et collectent toutes leurs possessions pour les éliminer ; elles serviront à faire du remblai. Newman a réussi à établir une petite combine par laquelle ils sont prévenus un jour avant de leur prochain boulot. Ainsi ils peuvent récupérer la nuit précédente les objets qui les intéressent avant que tout ne soit détruit. C'est ainsi qu'une nuit dans un vieux manoir, Steve Newman récupère une pile de comics édités par Golden Nugget Publications, ainsi qu'un téléviseur fonctionnant avec des pièces de 25 cents et le fauteuil où son propriétaire est décédé. Il entrepose tout ça dans son grenier et après s'être occupé de ses enfants et s'être assuré que sa femme n'avait besoin de rien, il y monte pour savourer un comics dans le fauteuil du mort. Il s'agit du numéro 198 de "The unforgiving Eye", un comics de superhéros d'une série qui s'est officiellement arrêtée au numéro 127 parce que les droits de ce comics et d'autres (Coffin Fly, Shield of Justice, Ramona et Red Wraith, tous écrits par David Hine et illustrés par Shaky Kane) avaient été rachetés par l'éditeur Big 2 qui avait décidé d'arrêter leur publication. Peu de temps après, Steve Newman entre en possession du costume de Coffin Fly. de plus en plus curieux.


Cette histoire commence comme un polar bon marché avec manoir mystérieux, visite nocturne et trésor dérisoire (des numéros de comics qui n'ont jamais existé officiellement). Ça continue comme une sitcom avec le mari (Steve Newman) émotionnellement déconnecté de son épouse et ses enfants. Ça prend la tangente par une mise en abyme quand le lecteur lit le comics que Steve Newman est en train de lire. Et ça devient un métacommentaire avec la mention de David Hine et Shaky Kane, comme étant les auteurs des histoires des 5 superhéros publiés par Golden Nugget Publications. Contrairement à toute attente, David Hine déroule un scénario qui ne perd pas le lecteur dans des boucles imbriquées. le fil directeur reste clair et simple du début jusqu'à la fin. À un premier niveau le lecteur a le droit à une histoire de superhéros mâtinée de thriller, avec une ambiance pulp à couper au couteau, et un zeste d'humour pince-sans-rire et second degré. Évidemment, le métacommentaire permet de mettre en perspective les liens qui unissent les créateurs à leur oeuvre, mais d'une manière ludique, sans aucune prétention intellectuelle. le lecteur de comics repérera également facilement le métacommentaire sur le monde de l'édition de comics aux États-Unis. Derrière la dénomination "Big 2" se cachent Marvel Comics et DC Comics qui représentent à eux 2 les deux tiers de la production des comics aux États-Unis, publiant presqu'exclusivement des séries de superhéros. Hine et Kane ont l'intelligence de ne pas se focaliser sur les politiques éditoriales castratrices pour les créateurs. La responsabilité des créateurs et leur intégrité artistique (scénaristes et illustrateurs) constituent leur cible. Ce point de vue est d'autant plus décapant quand on sait que David Hine a travaillé pour Marvel (Civil War : X-Men), DC (Arkham Reborn) et Image (Darkness rebirth).


Les illustrations de Shaky Kane mélangent une précision exceptionnelle, avec une capacité à évoquer la force graphique de Jack Kirby par moment, un sens de la dérision sophistiqué et une mise en couleurs 100% pop art. Les facsimilés de comicsavec une poésie visuelle déstabilisante. Les parodies de superhéros doivent autant au scénario qu'aux illustrations. Par exemple Shield of Justice évoque à la fois le Spirit de Will Eisner et le Spectre de Michael Fleisher et Jim Aparo. L'apparence de Unforgiving Eye est magnifique de simplicité et d'impossibilité avec ce globe oculaire géant en lieu et place de la tête. le Bulletproof Coffin est un véhicule à faire rêver les grands enfants, Ramona à une plastique qui ravive les premiers émois adolescents devant ces superhéroïnes aux costumes riquiquis (et en plus elle arrive à cacher un couteau dans son bikini, trop fort). Les zombis ont une dégaine dégénérée, sans que Kane soit obligé de donner dans le gore. En fonction des besoins de la scène, Kane peut aussi bourrer à craquer la page avec des détails (la double page au musée avec Red Wraith) à tel point que le lecteur a l'impression de contempler du Geoff Darrow. La quintessence de l'expressivité graphique de Shaky Kane peut se savourer simplement à partir de cette fausse série de cartes à collectionner. le thème de cette série est la guerre du Vietnam, représentée avec des zombis. En quelques coups de crayons Kane conçoit une scène archétypale de cette guerre mettant en évidence son inhumanité, avec relents colonialistes à l'appui. Ces raccourcis visuels sont d'une efficacité redoutable, d'une cruauté terrible et constituent une critique sans appel de cette guerre. Cet illustrateur a également réalisé une autre bande dessinée qui sort de l'ordinaire : Monster Truck.
Derrière une couverture bizarre semblant présenter un énième superhéros avec un pistolet en plastique, le lecteur découvre un récit emballant, plein de suspense, très drôle, second degré, ironique et très intelligent qui mélange parodie et réflexion sur la création de comics, relation entre créateurs et oeuvres, etc. David Hine et Shaky Kane ont réalisé un deuxième tome des aventures de Coffin Fly : Disinterred.

Boogie-Woogie-Lagoon
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le 6 juil. 2018

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