Le jeu du « Quel con ! » est un des plaisirs que réservent les fictions d’horreur – et en ce sens, Walking Dead en est une. Se poser la question des faire-parts de mariage en pleine apocalypse zombie ? Quelle conne, cette Patricia ! – Faire exploser un camp militaire à quelques kilomètres de Woodbury au lieu de saboter le char dont personne ne sait se servir ? Quelle conne, cette Andrea ! – Négliger de siphonner à l’avance l’intégralité des réservoirs des voitures garées devant la prison ? Quels cons, ces survivants ! – Tirer dans le gilet pare-balles d’un homme immobile et tête nue ? Quel con, ce tireur anonyme ! – Faire entrer un zombie dans l’enceinte de la prison ? Quelle conne, cette Alice !… En même temps, on parle de types qui se sont juré de préparer leur abri contre une attaque, et jouent au basket.
Une fois acquis que la sortie d’un petit groupe de « gentils » hors de la prison ressemble moins à un fait d’armes qu’à un samedi après-midi à Auchan, et que Lori accouche comme une poule qui pond sans se froisser une plume, il ne reste qu’un véritable événement dans ce huitième volume : le suicide de Carol. Celui-là, on peut dire qu’il était préparé depuis longtemps. Or, Carol était avant tout la mère de Sophia, l’ex-amante de Tyreese, la femme « répudiée » par Lori, l’initiatrice de Billy : en bonne représentante d’une certaine idée des États-Unis, elle n’aura été définie que par rapport à autrui. Faire mourir ainsi un personnage qu’on n’a finalement presque jamais vu agir semble à la fois un rappel et une annonce. Le rappel que, pour survivre, les faibles doivent coûte que coûte s’unir à des forts ; l’annonce que la suite de la série ne laissera en vie que les actifs – je sais, c’est de la psychologie états-unienne… – et fera la part belle à l’action.
Dans l’œil du cyclone est donc, tout le monde l’a noté par ailleurs, un épisode « de transition » : entendez par là qu’il ne s’y passe presque rien. Si l’album est un peu plus mauvais que les deux précédents, si on le pressent moins bon que le prochain, c’est parce que, moins chargé en aventures, il recentre l’attention sur la psychologie des personnages. Et celle-ci, disons-le clairement, est généralement d’une pauvreté et d’une banalité affligeantes… (Oui, le jeu du « Quel con ! » est aussi un test : plus on peut le faire durer, plus la psychologie des personnages laisse à désirer.)
Autre défaut manifeste : le lecteur attentif aura remarqué que depuis le tome 2, Charlie Adlard peine – et le mot est faible – à représenter correctement les enfants. Avec le volume 7 (jetez donc un œil page 133, par exemple), ça en devient alarmant, comme si le dessinateur avait régressé. Vivement que Carl et Sophia grandissent ou crèvent !
Critique du volume 6 ici, du 8 là.