D'emblée, Duchâteau nous introduit dans un univers angoissant que Tibet reproduit par son dessin explicite en ouverture d'album : un décor sauvage et nocturne de tempête avec un manoir isolé en nid d'aigle sur une falaise ; le lecteur devine tout de suite le contenu de l'album qui se situe encore dans un lieu anonyme, Arestat, qui semble se situer sur les côtes bretonnes, les auteurs ne le précisant pas. L'action continue par une nuit d'orage agitée et tragique ; tout ce prologue sert en fait à expliquer la venue de Ric et de son père Richard dans ce village d'Arestat, devenu 35 ans après station balnéaire, pour une enquête qui va déterrer le passé et que Richard avait menée en tant que détective amateur. Il va donc faire équipe avec Ric pour une autre enquête tout aussi troublante, et Tibet reproduit habilement page 15, le dessin d'ouverture, cette fois de jour, sous un ciel radieux et avec quelques aménagements modernes.
C'est sans conteste l'un des scénarios les plus habiles de Duchâteau, qui joue de façon virtuose entre les 2 enquêtes liées de façon complémentaire, celle de Richard alors jeune en 1938, et celle de Ric en 1973, assisté par son père ; les indices sont distillés avec brio, c'est de l'enquête à énigme pure, agrémentée de quelques scènes d'action et auxquelles s'ajoute une ambiance un peu fantastique. Le suspense compte beaucoup dans cet épisode, ce qui explique les images équivoques de bas de page en forme de cliffhanger... vous imaginez mon attente chaque semaine lorsque je lisais cette aventure dans le journal Tintin. Tibet réussit quelques belles images de falaises avec les flots rugissants, et d'autres un peu plus saisissantes pour accentuer l'angoisse.
Mon seul regret, c'est une fin encore un petit peu expédiée, sinon, c'est l'un des meilleurs épisodes de la série, où l'on reconnaîtra Bernard Blier en commissaire Berger, témoignant du goût de Tibet pour les caricatures d'acteurs qu'il aimait parsemer dans les aventures de Ric Hochet.