Premier contact avec Corben en ce qui me concerne. Je n'étais franchement pas du tout sûr d'apprécier de prime abord, car, si j'adore Allan Poe, je n'étais a priori pas fan du style extrêmement non-conventionnel du dessinateur (symbolisme poussé à l'extrême, corps et visages étrangement difformes, très important travail sur les textures et la couleur, etc.).
Mais bon, ce seul livre aura réussi à me mettre d'accord avec moi-même: ces transcriptions en BD de textes (plus ou moins célèbres) du grand Poe subjuguent le lecteur pour peu qu'il soit sensible, comme moi, à l'horreur morbide / gothique de l'auteur américain.
On ressent une véritable compréhension des textes (des nouvelles, mais aussi des poèmes ou des textes relevant de la prose poétique) de la part de Corben (qui adapte d'ailleurs certains de ces textes pour la 2e ou 3e fois depuis les années 1970!!!) ; comme il l'annonce dans l'entretien en préface de l'ouvrage, plutôt qu'une mise en image littérale des textes, il s'agit surtout pour Corben de coucher sur le papier les sensations / les impressions qu'il a ressenti à leur (re)lecture. On aboutit ainsi, pour certaines propositions, à un découpage, à un rythme quasiment-hallucinatoires, en accord avec la tonalité onirico-cauchemardesque très prononcée du recueil.
L'auteur a également un talent plus que certain pour représenter des corps en putréfaction / en décomposition, des paysages poisseux et décadents, ce qui ne peut jamais faire de mal quand on s'attaque à un auteur comme Poe!
Enfin, le plus grand mérite du recueil est surtout tout simplement de nous donner immédiatement envie de nous replonger dans les œuvres de Poe (les recueils traduits par Baudelaire sont d'ores et déjà de nouveau sur ma table de chevet!). Absolument convaincu par cette lecture, je me jetterai donc sans hésiter sur les prochains recueils de Corben qui me tomberont sous la main.
N.B.: encore une fois, une édition quasi-parfaite des éditions Délirium, qui font décidément un excellent travail sur ce patrimoine de la BD d'horreur américaine.
N.B. 2: le tout reste néanmoins extrêmement particulier dans le traitement et, j'imagine, extrêmement clivant ; je comprends tout à fait que ce recueil et les travaux de Corben laissent beaucoup de lecteurs sur le chemin...