Avant de lire cette BD, je connaissais déjà le personnage de madame Ching (ici appelée Shi Xiu), croisée au cours de mes lectures sur la piraterie et sur la Chine. Il faut dire que l'histoire de cette femme a tout pour marquer les esprits, et en fait fort logiquement une parfaite héroïne de roman, de film ou de BD. Qu'on en juge plutôt : pensionnaire d'un bordel de Canton, elle connut un incroyable destin de chef pirate au début du 19ème siècle, tenant tête à la flotte impériale pendant des années avant de terminer sa vie paisiblement à l'âge de soixante-neuf ans, tenancière d'une maison de jeu... Avec de telles figures historiques, nul besoin de créer des personnages fictifs !


Le face-à-face dont il est question dans le titre est celui de Shi Xiu avec son futur époux et associé, le chef pirate Zheng Yi. Leur rencontre et la manière dont chacun apprivoise l'autre est au cœur de ce premier tome, qui d'une certaine manière constitue un tome d'introduction répondant à la question suivante : comment une prostituée entre-t-elle en piraterie ?


Que les choses soient claires, nous n'avons évidemment pas affaire à un "audacieux roman graphique" destiné à "révolutionner le neuvième art", mais à une bonne BD d'aventures exotiques, et c'est très bien ainsi. De l'action, du dépaysement, un soupçon d'érotisme... Le contrat est rempli ! Tradition asiatique oblige, le lecteur devra cependant s'assurer d'avoir bien enclenché le mode "suspension d'incrédulité" pour goûter les quelques combats de type "wuxia" et ne pas s'offusquer de voir la frêle prostituée défaire seule des pirates armés jusqu'aux dents...


Sans être d'une beauté à couper le souffle, le trait de Wu Qing Song est tout à fait plaisant et ne cherche pas à trop en faire, rendant l'action très lisible. Le dessinateur chinois semble d'ailleurs être un peu moins à l'aise dans la représentation des décors, parfois approximatifs, que dans celle des personnages, et en particulier de l'héroïne dont on peut dire qu'elle crève l'écran. On saluera également le travail du scénariste Nicolas Meylaender, celui-ci ayant eu le bon goût de ne pas tomber dans le piège de l'infodump à caractère historique, ce qui aurait immanquablement plombé le rythme et alourdi son récit. Si les lecteurs curieux pourront effectuer des recherches sur Internet, il aurait néanmoins été judicieux d'ajouter une postface d'une ou deux pages replaçant le personnage de madame Ching dans son contexte historique : la dynastie Qing et ce 19ème siècle où la Chine, confrontée à l'Occident, va devoir amorcer sa modernisation.


Au bout du compte, on peut considérer le premier tome d'une série (celle-ci comportant quatre tomes) comme une réussite lorsqu'il donne envie de lire la suite. C'est assurément le cas avec ce "Face à face" : que demander de plus ?

Oliboile
7
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le 2 sept. 2017

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