L'indécence maladive du bonheur d'autrui...
La Croix du héros est tout simplement l’une des plus grosses baffes que j’ai pu prendre dans mes lectures. Pas seulement au rayon BD, mais en tant qu’œuvre toute catégorie confondue. Si elle se déconnecte complètement des aspects techniques de son univers (les bastons de méchas promises sont invisibles), c’est pour mieux embrasser toutes les thématiques qui passent à sa portée avec ses personnages, ses symboles et sa noirceur. Avec un début tout simplement idyllique, le récit bascule sans crier gare dans une spirale qui s’amorce avec la jalousie du bonheur de l’autre. La croix du héros, c’est la satisfaction malsaine à voir le malheur s’abattre sur autrui, et se sentir heureux (et vivant) en le maintenant dans cet état, quitte à le dépouiller pour bâtir le sien. A de multiples niveaux, sur plusieurs années, l’aspect ressort avec une telle acuité que la survie du personnage principal se mute en malédiction, ce dernier se nourrissant tout simplement du malheur des autres. Car il est tellement plus facile de supporter sa vie merdique quand celle des autres est au plus bas, et qu’on se sent grandi au travers d’eux. Et qu’eux se sentent écrasé par ce bonheur éclatant, entraînant encore plus loin dans la chute les proches. Nihiliste, d’une densité dramatique rarement égalée (les monstres, les vrais, de ce calibre, c’est inespéré d’en suivre d’aussi fascinant) et d’un jusqu’auboutisme rare (le sort du jalousé), la croix du héros est peut être l’un des plus efficaces mangas jamais écrits. L’un des plus dépressifs aussi, mais l’anéantissement du lecteur était un juste prix pour un tel acte de bravoure.
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