Georges & Tchang par belzaran
Hergé a laissé des générations dans la frustration en refusant que soient poursuivies les aventures de Tintin et Milou. Du coup, les parodies, pastiches, hommages, fan-arts se distribuent sous le manteau, la société Moulinsart étant particulièrement attentive à tout ce qui peut se faire en la matière. C’est donc un véritable numéro d’équilibriste que pratique Laurent Colonnier en publiant une biographie (très) romancée d’Hergé… Intitulée Georges & Tchang, elle narre la rencontre d’Hergé (alias Georges Rémy) et de Tchang (qui le conseilla sur « Le Lotus Bleu). Une rencontre particulière, puisqu’elle est sous-titrée « une histoire d’amour au vingtième siècle ». Ainsi, le communiqué de presse de 12bis, éditeur de l’ouvrage, se garde bien de faire le lien avec l’illustre dessinateur.
On retrouve donc Georges dans les années 30, alors qu’il va dessiner une nouvelle bande-dessinée de son « personnage ». Après ses premiers ouvrages, il souhaite se documenter et va rencontrer Tchang, un étudiant sculpteur, afin de mieux cerner le pays. Ce dernier, communiste léger, va en profiter pour faire passer les idées de propagande de son pays. Mais une vraie complicité s’engage entre les deux hommes.
« Georges & Tchang » vaut avant tout pour les nombreux clins d’œil à la vie d’Hergé. Tout y passe. La logeuse qui donna la Castafiore, l’ami sourd qui donna le Professeur Tournesol, la visite du château qui lui inspira « L’Île Noire »… Le fan de « Tintin » en aura pour son argent. Hélas, c’est le seul véritable intérêt de l’ouvrage. Certes, c’est un plaisir de voir toutes les allusions amenées dans ce livre sans qu’une seule fois la ligne rouge de la référence ne soit franchie. Mais la biographie en elle-même, romancée, perd un peu de son intérêt. Car à bourrer le tout de références, on se perd dans la véracité du propos. Le livre oscille un peu entre biographie et hommage, ce qui n’est pas forcément la même chose.
Malgré tout, la lecture est plaisante, bien qu’un peu verbeuse. Relever les allusions à l’œuvre d’Hergé est un véritable plaisir et il n’est pas rare de sourire aux propos du dessinateur. On retrouve même des scènes copiées sur « Tintin » (notamment cette tuile jetée d’un quai qui tombe sur quelqu’un en contrebas dans sa barque). Surtout que Laurent Colonnier n’y va pas de main morte sur Hergé. Traité régulièrement de fasciste par les autres, il est ensuite homosexuel, intolérant et surtout, semble très influençable…
Le dessin de Colonnier s’éloigne de la ligne claire et propose quelque chose de différent et c’est tant mieux. Les décors sont fouillés, les personnages réussis et reconnaissables. Quant à la colorisation en niveaux de gris, elle est très élégante et met bien en valeur le trait. Cependant, le manque d’action rend le tout un peu statique parfois.
« George & Tchang » est une œuvre finalement particulière. Si vous aimez relever des références et des anecdotes, vous adorerez cet ouvrage. Par contre, n’y cherchez rien de plus, vous seriez déçu. Un beau travail d’équilibriste.