Ce manga me pose un énorme problème de conscience. Je ne suis pas partisan du piratage – et pour les livres encore moins que le reste – à moins que les titres concernés ne soient jamais sortis dans des pays anglophones ou francophones. Ceci étant dit, quand un manga est disponible en France, je le découvre par le biais de son édition française. D’où cette question : ce qui compte, est-ce l’œuvre ou l’édition ? L’œuvre, bien entendu. Mais il peut arriver que l’édition soit à ce point catastrophique qu’elle nous empêche d’en profiter pleinement, et c’est exactement le cas pour Gosick.
Soleil Manga a effectué un travail honteux sur cette série. Malheureusement, un éditeur acquérant une licence gagne ainsi l’exclusivité dans son pays, et il n’existe aucune édition anglophone complète.

Il s’agirait du meilleur manga de tous les temps, cela serait frustrant mais il faudrait passer outre ; « heureusement », ce n’est pas le cas.
Gosick se présente comme une succession d’enquêtes menées par le duo Victorique / Kazuya, basées en grande partie sur les innombrables légendes locales, mais que Victorique prendra un malin plaisir à déconstruire pour faire naitre la vérité. Cette façon de prendre des éléments fantastiques, et de les justifier par le bouche-à-oreille et la manipulation est fascinante en soi. Dans le fond, ce manga ne manque donc pas d’atouts, d’autant plus que l’auteur utilise comme décor une Europe fantasmée du début du XXème Siècle, un peu kitsch mais suffisamment originale pour donner du cachet à l’ensemble. Tout au plus, nous pourrons reprocher à la mangaka d’être un peu brouillon dans sa narration.

Dans la forme, par contre, il y aurait beaucoup à redire. Ce qui agresse les yeux, d’entrée, ce sont les personnages. Avec leurs visages de chérubins mal dégrossis, ils paraissent plus ridicules qu’autre chose ; pire, il est parfois difficile d’estimer leur âge – l’inspecteur de police ressemble à un gamin dans un costume – ce qui pour une série policière pose un sérieux problème. La mise en scène s’avère chaotique, ce qui n’aide en rien. Cela peut passer pour un parti-pris esthétique de la dessinatrice, mais cela ne veut pas dire que nous y serons sensible. En tout cas, moi pas.
En France, une partie du public connait la série grâce à son adaptation animée par Bones, qui n’est pas le premier studio venu. Or, force est de constater que celle-ci surpasse en tout point la version manga : elle garde le meilleur, à savoir la trame des enquêtes, mais apporte une narration plus clair, des décors détaillés, et surtout des personnages aux physiques infiniment plus humains. Donc quitte à choisir, et même si les deux formats n’ont rien à voir, je privilégierai plutôt l’anime, qui effectue une meilleure transposition des romans d’origine.

Pour revenir sur l’édition, il s’avère surtout que personne n’a procédé à une relecture avant d’envoyer ce manga chez l’imprimeur. Ce ne serait pas grave s’il n’y avait eu aucune erreur en amont, mais vous l’aurez compris, nous sommes loin du compte. Je n’avais jamais vu ça : fautes d’orthographe à foison (parfois niveau primaire), contresens, phrases attribuées aux mauvais personnages, inversions de bulles, répliques mal tournées, c’est un véritable carnage qui gâche sérieusement le plaisir de lecture.
Gosick est un cas intéressant car il nous pousse à nous interroger sur notre rapport au livre : si nous sommes d’accord pour considérer que l’œuvre prime sur le reste, celle-ci doit bénéficier d’une édition permettant de l’apprécier à sa juste valeur. La plupart du temps, nous n’y pensons pas : une édition correcte va de soi, et la plupart des éditeurs font le travail. Mais, parfois, il y a un Gosick, et là, le lecteur n’a que deux possibilités : mettre son poing dans sa poche ou passer son chemin.
Ninesisters
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le 5 déc. 2013

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