Hikari no densetsu
7.7
Hikari no densetsu

Manga de Izumi Asô (1985)

Le shôjo sportif est un genre bien particulier, puisqu’il allie les codes propres aux shôjo, au côté palpitant des compétitions sportives. Évidemment, le traitement de cet aspect sportif ne sera pas le même que dans un shônen. Ici, l’important sera moins la victoire finale que l’épanouissement des personnages, même si nous retrouvons la même notion de dépassement de soi.
Le traitement shôjo va toutefois imposer à l’héroïne un adversaire supplémentaire : le destin. C’est d’autant plus valable pour un titre des années 80 comme Hikari no Densetsu. Concrètement, cela signifie que s’il peut arriver une crasse à l’héroïne, elle va se la prendre dans la figure. Exemple : une fille jalouse (les filles sont souvent jalouses et mesquines dans les shôjo sportifs) balance du jus de fruit sur le justaucorps de Hikari juste avant son entrée, et le jury – qui a assisté à toute la scène – la pénalise car sa tenue est sale. Parfois, cela peut paraitre exagéré. Le point positif, c’est que cela oblige l’héroïne à se dépasser encore plus, à viser toujours plus haut, afin de surmonter tous les obstacles dressés sur son chemin. Et ces moments-là peuvent être magnifiques.


Le choix de la GRS, comme sujet principal de ce manga, n’est pas le fruit du hasard. Outre le fait qu’il s’agisse d’un sport fondamentalement féminin, donc pertinent dans un environnement shôjo, la mangaka est elle-même une ancienne gymnaste. Nous pouvons donc penser qu’elle connait parfaitement les spécificités de cette discipline, et saura les rendre sur le papier (en tout cas mieux que Yoichi Takahashi ne parle football dans Captain Tsubasa). Par contre, il s’agit d’un sport relativement hermétique pour le public dont je fais parti.
Ce qui est intéressant avec la GRS, c’est que cette discipline m’apparait à la fois comme sportive et artistique, puisque située à mi-chemin entre la gymnastique et la danse. Nous ressentons cette dimension sportive dans les efforts consentis par l’héroïne et dans sa souffrance – vous me direz, les danseuses aussi en bavent – tandis que la dimension artistique s’exprime elle par le dessin.
Les shôjo peuvent se permettre une mise en page beaucoup plus éclatée que les shônen, beaucoup plus imprévisible, et la mangaka s’amuse à jouer avec l’espace pour donner corps à ses chorégraphies. Elle multiplie les idées originales afin d’affubler chaque prestation d’une identité qui lui est propre. Alors que la GRS est une discipline qui ne s’exprime qu’à travers le mouvement (mouvement dont la qualité sera ensuite évaluée par des juges), l’auteur arrive à surpasser les contraintes du format papier pour nous offrir des chorégraphies vivantes et dynamiques. Son dessin, encore influencé par les codes graphiques des années 70, et sa mise en page innovante, sont pour beaucoup dans l’attachement que j’ai pu éprouver pour ce manga.


Izumi Asô fait siennes les caractéristiques du shôjo sportif, et ses qualités. Hikari est une héroïne attachante ; elle ne s’apitoie jamais sur son sort (qui n’est jamais si horrible que cela de toute façon), va de l’avant, arrive toujours à se lier d’amitié avec ses adversaires, et ne se montre que rarement dépendante des personnages masculins qui l’entourent. Cette bonne humeur communicative se ressent dans ses prestations, et elle nous donne envie de l’encourager, que ce soit lors des compétitions ou dans sa vie de tous les jours.
A la différence de nombre d’autres séries sportives, le résultat des tournois n’est pas forcément évident avant la dernière seconde, ce qui ajoute du suspens à un genre déjà connu pour titiller le palpitant. Et à la différence de nombre d’autres shôjo, ses relations amoureuses ne sont elles non plus pas évidentes et nous ignorons pendant longtemps si Hikari finira avec le premier beau gosse de service de la série.
Ses ingrédients semblent simples – des shôjo sportifs à succès comme Attack n°1 ou Ace wo Nerae ont depuis longtemps posé les bases du genre – mais la mangaka arrive à en tirer le meilleur. Bien sûr, son dessin pourra paraitre daté, mais sa mise en page est à ce point inventive que, même aujourd’hui, il serait difficile de trouver mieux ; d’autant que ce n’est parce qu’elle est atypique qu’elle manque de lisibilité, il suffit de suivre les mouvements des personnages et cela vient naturellement.
Hikari no Densetsu s’impose comme un titre passionnant qui sait aussi donner la part belle aux sentiments. L’auteur nous offre un travail exemplaire, qui je l’espère, permettra à un nouveau public de découvrir des shôjo un peu plus anciens et leurs particularités. Pour ma part, j’étais déjà conquis par l’anime, et j’ai trouvé le manga encore plus réussi.

Ninesisters

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