Premier opus de la série Natacha, efficace, drôle, qui pose les bases.
Natacha, hôtesse de l'air, toujours élégante, classe, flegmatique ou pugnace selon les différents types de dangers, les gants, la toque, la jupe, la coiffure impeccables et immaculés même au fin fond de la savane, coursant ou fuyant les pires truands en talons hauts: voilà dressé simplement le portrait de Natacha. Une sorte de James Bond civile au féminin.
Natacha est aussi et avant tout la version adolescente et comique du célèbre "fantôme d'amour" de Chateaubriand.
Dans ses Mémoires d'outre-tombe, le célèbre auteur malouin confesse: "Je me composai donc une femme de toutes les femmes que j'avais vues: elle avait la taille, les cheveux et le sourire de l'étrangère qui m'avait pressé contre son sein; je lui donnai les yeux de telle jeune fille du village, la fraîcheur de telle autre. Les portraits des grandes dames du temps de François 1er, de Henri IV, et de Louis XIV, dont le salon était orné, m'avaient fourni d'autres traits, et j'avais dérobé des grâces jusqu'aux tableaux des Vierges suspendus dans les églises. Cette charmeresse me suivait partout invisible (...); elle variait au gré de ma folie: Aphrodite sans voile, Diane vêtue d'azur et de rosée, Thalie au masque riant, Hébé à la coupe de la jeunesse, souvent elle devenait une fée qui me soumettait la nature. Sans cesse, je retouchais ma toile; j'enlevais un appas à ma beauté pour le remplacer par un autre. Je changeais aussi ses parures; j'en empruntais à tous les pays à tous les siècles, à tous les arts, à toutes les religions. Puis, quand j'avais fait un chef-d'oeuvre, j'éparpillais de nouveau mes dessins et mes couleurs; ma femme unique se transformait en une multitude de femmes, dans lesquelles j'idolâtrais séparément les charmes que j'avais adorés réunis".
De son côté, con-con et fesses, dans un court récit illustré intitulé La Naissance de Natacha, François Walthéry raconte: " Pendant mon temps libre, je m'amusais à caricaturer quelques unes de mes amies pour les faire rire ... ... ... ce qui ne fut pas toujours le cas ! (...) Pour trouver le personnage de Natacha, là, ce ne fut pas simple ! Fouillant dans mes vieux croquis, je ne trouvais rien qui me plut; mise à part le caricatures de 3 de mes copines ! COUP de chance car ... ... ... J'en fis un joyeux compromis ... un morceau à droite, un morceau à gauche et ... ... ... voilà le travail ! Ce n'est pas plus compliqué que ça !! ... NATACHA ÉTAIT NÉE !!"
Plus complexe en réalité, Natacha est la synthèse de bien des femmes qui ont tapé dans l'oeil du jeune dessinateur: des plus célèbres actrices et chanteuses du moment: Mireille Darc, France Gall et Dany Carrel aux femmes appartenant au quotidien plus obscur de Walthéry, comme sa voisine Céline, professeur d'arts plastiques.
Rien d'étonnant alors de voir, flanqué aux talons de la belle hôtesse de l'air, un steward gaffeur du nom de Walter (à rapprocher du patronyme de l'auteur) qui partage des goûts et des habitudes avec le créateur de Natacha.
Le sex-appeal de l'héroïne, son caractère bien trempé - féministe sans oublier d'être féminine, physique et/ou plastique sans jamais être vulgaire - ne font pas le tout de cette bande dessinée.
Car dans sa première aventure, Natacha, outre une bande de terroristes déguisés en joueurs de foot, s'autorise d'entrée de jeu des indiens et leur offre un parler très étrange qui, pour qui se donne la peine de tenter de le déchiffrer, a bel et bien un sens transparent. Oralisez-le et vous entendrez un mélange de chtimi, d'alsacien et de titi parisien assez informe mais particulièrement jouissif qui, me dit-on serait du wallon liégeois ... car, oui, les indiens réducteurs de têtes sont en réalité des liégeois exilés depuis très très longtemps à l'autre bout du monde:
Étonnant, non ?
Un premier opus qui ouvre en beauté les aventures de Natacham bien qu'il se fasse un peu long en fin de récit.