Bienvenue à Karma City, une ville où règne l’harmonie générale. Une ville régie par les lois universelles du karma, dans laquelle l’intérêt général prime sur l’intérêt particulier, comme le stipulent les 4 lois fondatrices de la cité. Une ville post-apocalyptique née sur les cendres de l’ancien monde, englouti des années plus tôt par une vague géante. Une démocratie libertaire fondée par des scientifiques férus de nanotechnologies et de biologie quantique. Dans cette société futuriste, il y a malgré tout une police. Ou plutôt un bureau des enquêteurs. Les agents de ce bureau peuvent mesurer à tout moment si le karma d’une personne est positif ou négatif. S’il est négatif, la personne ne peut pas entrer dans la zone blanche de la capitale. Ce matin-là pourtant, l’officier laisse quand même passer Emma List, même si la jeune femme présente un karma un peu négatif. Elle lui dit que c’est parce qu’elle a puni un de ses enfants au petit déjeuner. Quelques minutes plus tard, Emma fait un AVC et sa voiture s’écrase dans un ravin. Trois agents sont chargés de l’enquête: l’expérimenté Napoli, le fantasque Asuki et la jeune major Cooper, qui vient de sortir de l’école supérieure des enquêteurs avec les félicitations du jury. Une nouvelle recrue brillante, mais pas très souple. Alors qu’ils pensent s’attaquer à une enquête de routine, Cooper, Napoli et Asuki découvrent rapidement que la mort d’Emma, une chercheuse en paléontologie qui s’était installée en zone grise à la recherche d’un mandala gravé datant de l’époque pré-karmique, n’était sans doute ni un accident ni un suicide. D’autant plus que dans le même temps, plusieurs autres habitants de Karma City sont eux aussi victimes d’un AVC. Et à chaque fois, leur montre-bracelet explose peu avant leur accident. Guidés par l’instinct de Napoli, un flic brillant aux méthodes peu conventionnelles, les trois agents décident alors d’aller fouiller en zone grise pour essayer de comprendre la cause de ces mystérieux événements… Et si la société idyllique dans laquelle ils croient vivre n’était pas si idyllique que ça, après tout?
Pierre-Yves Gabrion est loin d’être un néophyte dans le domaine de la bande dessinée. Les bédéphiles les plus nostalgiques se souviennent notamment que c’est lui qui dessinait la truculente série « Les Pensionnaires » dans le journal de Spirou au milieu des années 80. Trente ans plus tard, alors qu’il approche désormais lui-même de l’âge de la pension, Gabrion a conservé l’enthousiasme et la fraîcheur d’un tout jeune auteur. La preuve: avec le polar d’anticipation « Karma City », il se lance sans doute dans sa série la plus ambitieuse, avec un premier tome qui fait plus de 150 pages. Et on peut dire que c’est réussi! Non seulement l’univers futuriste imaginé par Gabrion est original et tient parfaitement la route, mais surtout il a l’intelligence de ne pas laisser cet univers prendre trop de place dans son récit. Karma City est un très beau décor, mais ce n’est qu’un décor, et c’est très bien comme ça. Ce qui intéresse surtout Gabrion, ce sont ses personnages et son intrigue. Deux domaines dans lesquels il excelle. Ce qui n’est guère étonnant, lorsqu’on sait que Gabrion a enseigné la narration graphique pendant quatre ans au département Art de la faculté de Bordeaux. Il connaît donc les ficelles d’une bonne histoire. Ca se sent dans « Karma City », qui est un récit très fluide et très agréable à lire, avec une utilisation intelligente des flash-backs et surtout un trio de personnages principaux qui fonctionne à merveille et qui fait des étincelles: un vieux briscard à qui on ne la fait pas (Napoli), une jeune major qui rêve de faire ses preuves mais qui suit un peu trop scrupuleusement les règles (Cooper) et un faire-valoir farfelu qui met un peu d’humour dans l’histoire (Asuki). Bref, tout ce qu’il faut pour donner vie à une série grand public très plaisante, dont on a déjà hâte de découvrir le dénouement dans le second tome. Une BD avec un bon karma!
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