Ma vie avec Clint
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A seize ans, Guy Sajer s’enrôle dans un service auxiliaire de l’armée allemande, avant de rejoindre en 1943 la division d’élite Großdeutschland : il sera à Koursk et de tous les combats défensifs du front de l’Est, avant de rendre aux troupes américaines. Alsacien, il est né d’un père français et d’une mère Allemande,
Rendu à la vie civile, Guy Mouminoux entame une prolifique carrière d’illustrateur réaliste pour la presse enfantine, avec notamment seize albums Blason d’Argent pour le très catholique Cœur vaillant. Dès 1964, il livre à Pilote des œuvres humoristiques, plus adultes.
En 1967, Robert Laffont publie, sous le nom de Guy Sajer, Le Soldat oublié. Ce récit de sa guerre est un succès d’édition. Après avoir été chassé de Pilote, qui le traite de facho, il travaille, sous le pseudonyme de Dimitri, successivement pour Charlie Mensuel, L'Écho des savanes, L'Événement du jeudi, Magazine hebdo. Il signe les dix-sept tomes du Goulag de 1978 à 2007 et de nombreux one-shots historiques.
Kursk est l’adaptation graphique d’un chapitre de son livre. C’est probablement l’unique exemple d’une autobiographie guerrière en bande dessinée. Sajer-Mouminoux-Dimitri décrit un jeune soldat confronté à une guerre totale, dont la survie ne tient qu’à la solidarité du « groupe primaire » et à l’obéissance à des chefs solides. Les historiens ont prouvé que les crimes de guerre ne furent pas l’apanage des SS et que toutes les grandes unités allemandes ont connu leur part d’ombre. De deux choses l’une : soit Sajer a vu, mais préfère taire l’innommable, soit, le jeune soldat a été épargné, tant mieux pour lui. En tout état de cause, vous ne trouverez pas l’amorce d’une repentance. Allemand par sa mère, il n’a accompli que son devoir et ne regrette rien. S’il ne conserve aucune haine pour les Russes, il ne se souvient que de souffrances partagées et de virile camaraderie. Il estime que l’horreur était partagée entre les deux camps et ne voit pas de singularité dans le régime nazi… Si cette défense est acceptable quand il s’agit de décrire le quotidien du très jeune soldat : « Nous n'avions que l'inquiétude pour meubler le temps libre, que le sommeil pour retrouver un peu de force : les conversations étaient rares et portaient sur des choses totalement anodines. », elle est sidérante chez l’homme mûr !
Son dessin est extrêmement précis. Le graphiste sommeillait manifestement dans le soldat : « je me repaissais des paysages. Je n'oublierai jamais les champs de marguerites, l'immensité, la steppe libre devant nous. Un paysage angoissant par certains aspects : on voyait arriver les orages de très loin, les rideaux de pluie nous passaient dessus et on séchait au grand soleil en marquant toujours le pas. Un pays vide, cultivé surtout autour des agglomérations et sinon en friche partout. » Il crayonne une guerre brutale, d’une violence extrême, une terreur quotidienne, insiste sur la fatalité qui frappe sans avertissement. Il s’arrête sur les moments de repos ou d’attente, nous offrant les roses d’un lever du soleil, ou les ombres pourpres vespérales. Il a conservé la technique à l’encre de Chine des comics réalistes américains, un style aujourd’hui désuet.
PS Le très contemporain Olivier Speltens compose dans l’excellente série L’Armée de l’ombre un récit très proche, sans éluder la part de cruauté des orgueilleux guerriers germaniques.
PS 2 Extraits d’un interview par André Guignicourt, 39-45 Magazine, n°90, décembre 1993.
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le 23 sept. 2016
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