Attention, critique pédante.
L'espace d'une critique, je vais jouer avec la sur-interprétation. Voir dans la Bande Pas Dessinée ce qui n'y est pas forcément, mais comme j'aime me voir écrire (avouez que c'est aussi votre cas -de vous voir écrire-), je me lance.
Déjà, la Bande Pas Dessinée, des fois ça m'fait marrer et des fois non.
Mais ce qui m'intéresse surtout (et c'est ce qui est exploité dans les tous premiers strips, moins après) c'est la question de la représentation dans la bande dessinée.
Déjà, ce que prouve la BPD, c'est que beaucoup de strips (Garfield, Dilbert dans une moindre mesure, etc...), en obtenant leur ressort comique par le dialogue pourraient tout à fait se passer de dessin. Quelque part, on rejoint et surpasse ici les premières expérimentations de Trondheim (le Dormeur) où le même dessin était répété à l'infini, les strips n'exigeant pas plus d'informations graphiques.
Ensuite, l'autre intérêt se situe du point de vue de la bande dessinée. En proposant ses gags sous forme de strips, et pas uniquement sous forme de texte, Navo a fait un choix. Et de fait, ses strips ne pourraient pas être retranscris uniquement sous forme de texte, puisqu'ils perdraient ainsi tout intérêt (et tout sens !). En effet, Navo utilise beaucoup le vocabulaire de la bande dessinée, avec ses onomatopées, ses cartouches explicatives et ses bulles.
D'ailleurs, la BPD n'est pas si " pas dessinée " que ça. Ses bulles et ses cases créent un espace. On comprend alors où se situent les personnages les uns aux autres, qui est devant, qui est derrière, en dessous, au dessus. Ça n'a l'air de rien dit comme ça, mais cet espace permet de comprendre beaucoup de chose et sert même parfois au ressort comique.
Du coup, on pourrait se dire que les strips comiques pourraient se passer totalement de dessin. Si seulement. La BPD a plusieurs limites : en utilisant aucune représentation, elle empêche tout identification du lecteur à un personnage. Si tout le monde aime Calvin et Hobbes, ce n'est pas uniquement parce que les strips sont drôles. Mais aussi parce que certaines cases dans lesquelles les personnages ne disent rien sont émouvantes. Et sans représentation, il est difficile, voire impossible, de susciter des émotions comme la nostalgie ou l'ennui. Bref, des émotions qui se passent de mots.
On en vient alors à une deuxième limite : la BPD a une grammaire extrêmement " faible ". Ainsi, il est par exemple impossible de faire un gag visuel. L'absence de bulle dans une case ne peut servir qu'à marquer un silence gêné. Il est difficile aussi de créer une véritable histoire qui ne serait pas uniquement constituée de gag.
Enfin, j'admets que la BPD est un concept. Mais un concept tellement précis qu'il ne pourra pas être suivi. En gros, nous ne sommes pas devant la naissance d'un genre (je sais qu'il n'y a aucune prétention de ce point de vue là), mais seulement dans un exercice de style ponctuel. D'ailleurs, je défie quiconque reproduire une formule similaire sans faire un vulgaire plagiat.
Bref, tout ça pour dire que la Bande Pas Dessinée, des fois ça m'fait marrer et des fois non.