"La femme Léopard", le premier tome d'un diptyque (la suite est censée paraître sous le titre "le maître des hosties noires") qui fait suite à une précédente BD en one-shot ("Le groom vert-de-gris"), tous trois dans la collection parallèle "Le Spirou de ...". Déjà, ça sent le projet bien capillotracté. Surtout si en plus, l’œuvre que continue "la femme léopard" est déjà inspirée par une bien meilleure bande dessinée présente dans la même collection, à savoir "Le journal d'un Ingénu". Là, ça sent le projet qui veut surfer sur un succès plutôt que de rechercher ... l'originalité ? La qualité ? Quelque chose ?
Ici, on reprend les mêmes que précédemment (qui n'était déjà franchement pas terrible, Cf "Le Groom Vert-de-gris"), à savoir Yann au scénario, Olivier Schwartz au dessin et Laurence Croix à la couleur.
L'histoire commence en 1946, où l'on nous apprend que "L'état nazi n'est déjà plus qu'un lointain souvenir" ... La vache, ce que j'aimerais que cela soit le cas ! Tout, dans la première partie de la Bd, semble vouloir nous dire : "Bouh, la seconde guerre mondiale, c'est pas bô, c'est moche, c'est caca !" (je mets mon vocabulaire au niveau de la subtilité présentée ici). Dés la première case, non seulement, la coupole du palais de justice -détruite- est clairement montrée, mais on retrouve en plus un cadavre allemand plein de toiles d'araignées sur les toits ... Je veux dire, personne veut enlever le cadavre qui doit infecter sévèrement le quartier, sans parler de la décence même de donner une sépulture à un autre être humain ?
Et s'il n'y avait que ça ... Spirou est alcoolique (!!!) suite à la mort de son amie dans les camps de concentration ... Tout le monde fait la course pour récupérer les scientifiques allemands (américains, une partie du Congo Belge, ...) ... Spirou fait des rêves sur les bombardements ... Quand un policier voit une voiture aller bien trop vie, il parle de V1 et crie "Les Boches sont de retour !" ... Des mercenaires allemands sont dans la partie du Congo Belge déjà mentionnée ... Et le général de cette partie du Congo Belge, le général Mokmazwet, s'habille littéralement en une parodie du costume nazi, mais comme il est africain, ce sera pas pareil, hein : la croix est celle des branches d'un cocotier, une tête de lion remplace la croix de lorraine et l'aigle du couvre-chef est remplacé par un ÉLÉPHANT ! Parce que clichés !
L'histoire n'est pas intéressante, et ne se concentre en rien sur nos héros, qui ne sont qu'accessoires ! Hé, Fantasio est quasiment pris en otage par la femme Léopard du titre pour la conduire à Paris, et Spirou part juste le retrouver en compagnie de la "petite amie" de Fantasio, une sorte de clone de "m'dame Jane" de Gaston (heureusement, elle a un peu plus de personnalité ..." )
D'ailleurs, en parlant de nos héros ... En plus d'être alcoolique, Spirou est viré du moustic Hotel ! Okay, merci, j'avais besoin de voir ça, Spirou se faire virer d'un des lieux les plus emblématiques de sa vie, et accessoirement l'endroit de sa création ... En plus, il est viré "Parce que CAPITALISME AMÉRICAIN" en deux pages, par un nouveau directeur dont personne, dans le personnel de l'hôtel, n'a mentionné dans les 24 pages précédentes, il sort de nulle part, juste pour faire cette action et ne plus réapparaître ... Non, le personnel, plutôt que de parler de cet événement qui risque de fort les bouleverser, préfère soit l'engueuler, soit se foutre de sa gueule et sous-entendre que lui et Fantasio sont gays ... Yeah, youpi, une autre fois où on nous rabâche les oreilles que quand même, ces duo masculins de Bd, quand même, c'est un peu étrange, ils sont forcément ... Cela arrive même dans ses propres bds, maintenant ( et si c'était qu'une seule allusion ... Même la copine de Fantasio - normalement bien placée pour le savoir - le dit ... Même SPIP, bon dieu !)...
La partie à Paris renoue un peu plus avec l'esprit Spirou, avec un peu plus de bonne humeur et d'aventure, mais mon dieu, que de références pas subtiles dans les dialogues ! Merci, on avait compris qu'on était en 1946, tu n'es pas obligé de sortir l'ensemble de la littérature française de l'époque, merci ! Surtout pour faire des références aussi peu subtiles que de faire dire à Boris Vian "Je ne crache jamais sur une tombe ouverte" ou de montrer que Sartre est un peu sexiste, tout de même ! Cela ne sert pas le récit (tout au plus cela le situe-t'il, mais merci, on avait eu notre dose !), mais au contraire le fait se perdre un peu partout, et font que oui ... il ne se passe pas grand chose en terme de récit dans cette Bd. On récupère un totem magique (par un hasard horriblement mal-écrit et téléphoné, à savoir que la seconde partie est chez Fantasio car sa petite amie voulait le lui offrir ...), les scientifiques allemands sont récupérés par le général Mokmazet et Spirou, Fantasio et la femme-léopard s'apprête à partir au congo belge (pour le prochain tome).
Citons quelques bons points, tout de même. Oui, les dessins et la couleur sont très beaux. Oui, certaines références sont drôles et bien trouvées au niveau visuel (Ebony de "The Spirit" dans une publicité, Le marin Alan de chez Hergé, ...). Et oui, le personnage de la femme-Léopard est excellent dans ses réparties et sa façon d'être.
Voilà, c'est tout en bon point.
Mais comment voulez-vous aimer une œuvre qui a des trous de scénario gros comme le trou dans la coupole du palais de la justice de Bruxelles de la première case ? Un exemple aberrant : Spirou monte amener du Whisky au colonel Von Praag, qui est alors en train de se battre avec la femme léopard. Le combat se finit sur les toits, avec le colonel qui est suspendu dans le vide par une gouttière, Spirou devant s'enfuir pour sauver la femme-léopard inconsciente des créatures qui la poursuivent (créatures dont nous n'apprendrons rien, d'ailleurs. Que tchi, que dalle). Le colonel tombe de l'immeuble depuis le toit ... Spirou remonte sur le toit pour le récupérer, mais pense qu'il est mort ... C'est alors que son supérieur, qui ne manque jamais une occasion de l'engueuler, vient le chercher pour l’amener devant le directeur (qui va les virer, rappelons-le ...). En bas, ils retrouve le colonel, clairement frappadingue ... Récapitulons donc : le supérieur sait que le colonel est tombé du toit. Il sait aussi que Spirou, qu'il a envoyé monter du whisky chez le colonel, était sur les toits ... Et rien ? Pas une accusation ? PAS UNE SEULE QUESTION ?
Mais bon sang, quel livre ...