Hard-Boiled, que l'on pourrait traduire par « dur à cuire » est un court comics des années 1990 – voir fruit des années 80, vu que publié en 1990 pile. Cet ouvrage est scénarisé par Franck Miller, aussi auteur de The Dark knight returns, Sin City, 300 ou encore Batman Année Un ; on y retrouve donc beaucoup de thèmes chers à l'auteur, pour le meilleur et pour le pire (Miller a une tendance, par exemple, à traiter toutes les femmes comme extrêmement sexuées). L'ouvrage est aussi colorisé par Claude Legris et dessiné par Geof Darrow, ce dernier étant un ancien animateur des studios Hanna-Barbara, on peut s'attendre à une très bonne qualité de dessin.
Et c'est le cas. Le dessin est excellent, très détaillé, de vraies fresques visuelles, avec des cases souvent étalées sur une page entière, voir sur deux pages de temps en temps. Et autant le dessin est excellent, autant il est très difficile de s'y retrouver sur autant de détails, ce qui pourra rebuter l’œil non habitué à une telle abondance d'images. Sinon, le trait est fluide, fort en détail et extrêmement percutant. Et heureusement qu'il l'est, percutant, car c'est peut-être là le but de cette œuvre.
Pour ceux qui ont déjà entendu quelques critiques de bande dessinée auparavant, il est de coutume de commencer par l'histoire pour ensuite parler des dessins. Si je viens de faire l'inverse, c'est parce que je pense que le dessin est conçu pour primer sur une ébauche de scénario qui tient honnêtement sur un ticket de tram'. En même temps, sur un comics d'environ 90 pages dont la plupart des pages sont des cases entières, ce n'est guère étonnant. Attention, vous êtes prêt ? ça va aller vite. Carl Seltz, enquêteur en assurances, est finalement un robot à apparence humaine qui va devoir choisir entre libérer les robots ou continuer à vivre une vie qui lui plaît finalement. Fin.
Sur le chemin, pour justifier le titre et parce que Frank Miller aime la violence exacerbée, notre protagoniste descendra des tonnes et des tonnes d'êtres humains, de robots et d'êtres encore indéterminés, l'autopsie étant encore en cours. Car oui, des morts, ça, il y en a dans ce livre : il se passe difficilement quatre pages sans voir un cadavre ou un personnage se faire tuer ou démembrer dans une débauche de testostérone encore plus élevée que dans un film d'action des années 80. Certains des détails des dessins en regorgent aussi : ainsi, il n'est pas rare de voir des choses très glauques et dérangeantes à divers endroits, comme des nourrissons faisant partie de machines ou encore des araignées s'accrochant par dizaines à un chien. Enfin, on nous apprend que chacun des souvenirs des robots viennent toujours d'hommes décédés, nous ramenant à l'idée que finalement, la mort n'a plus aucun sens. Je veux dire, à force de la croiser partout, à presque toutes les pages, à voir notre protagoniste robot se faire totalement détruire et être remis sur pied à chaque fois, avec des souvenirs d'hommes décédés (possiblement même une de ses propres victimes), forcément, on ne prend plus la mort au sérieux. Cela peut se rejoindre avec la vision d'un futur dystopique très décadent, où les sociétés et les marques règnent en maître, où sexe et violence sont partout, et où finalement plus rien n'aurait de sens, pas même la mort.
Car finalement, voilà ce qu'est Hard-Boiled : Un comics sans vraiment de sens ou de but niveau scénario, qui ne peut même pas rêver à égaler d'autres histoires du même genres, tel Blade Runner par exemple, mais qui vaut le coup d’œil de par sa patte graphique gargantuesque en détails et qui peut remplir chaque page de nombreux clins d’œil et choses difficilement explicables, mais inexorablement présentes. Clairement pas un chef d’œuvre, mais une bizarrerie inexplicable qui vaut le coup d’œil, ne serait-ce que par curiosité malsaine.
Disclaimer : Cette critique a d'abord été écrite pour Radio Campus Grenoble.