Comté de Nottingham, 1851. A la mort de sa grand-mère, Lady Clara hérite du manoir familial tandis que sa sœur Olivia se voit attribuer une somme d’argent équivalente à la valeur du domaine. Furieuse, cette dernière part pour Londres et laisse Clara se débrouiller seule avec la gestion du personnel et l’entretien des bâtiments. La tâche s’avère rapidement insurmontable et la jeune femme, après avoir vendu la plupart du mobilier, doit se résoudre à renvoyer les domestiques avant de quitter les lieux et de se chercher un emploi.
Les événements s’enchaînent un peu vite et le scénario prend parfois des raccourcis qui ont tout de grosses ficelles mais le plaisir de lecture est ailleurs. Dans les magnifiques compositions de Barbara Baldi d’abord, qui propose au fil de longues séquences sans texte des cases panoramiques comparables à des tableaux impressionnistes. Dans l’ambiance froide et humide d’une campagne anglaise digne des Hauts de Hurlevent ensuite. Dans le portrait d’une aristocratie à bout de souffle enfin, où le délabrement des biens va de pair avec la perte d’un statut social jusqu’alors intouchable.
Une BD qui vaut par son envoûtante atmosphère victorienne et son esthétique d’une rare élégance. On se plait à s’attarder sur certaines images pour mieux en capter le grain, la texture. La mélancolie, la grisaille, l’absence de lumière et l’omniprésence d’un inquiétant clair-obscur s’imposent avec autant de puissance que d’évidence. Un tour de force graphique pour ce premier album qui mérite bien plus qu’un simple coup d’œil en passant.