Une autre vision de la Grèce
Tsipras, Grexit, Syriza… Depuis quelques mois, la Grèce est omniprésente dans les médias. Mais à force de n’entendre parler que de l’énorme dette financière du pays et de sa possible sortie de la...
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le 19 juil. 2015
Tsipras, Grexit, Syriza… Depuis quelques mois, la Grèce est omniprésente dans les médias. Mais à force de n’entendre parler que de l’énorme dette financière du pays et de sa possible sortie de la zone euro, on finit par oublier que la Grèce est aussi et avant tout un pays de culture. Cela fait donc du bien de découvrir une BD grecque dans les librairies francophones. Ce qui, il faut bien l’avouer, est plutôt rare, la Grèce n’étant pas spécialement réputée pour ses auteurs de bandes dessinées. Paru dans sa langue d’origine en 2012, « Le croque-mort » vient d’être traduit en français. C’est un récit simple et humain, à la narration lente et avec peu de dialogues, un peu comme un film des frères Dardenne. L’histoire se passe à Thessalonique. Alors que la chambre froide est en panne et que dehors, le mercure grimpe, les employés des « Pompes funèbres Leonidas » vont devoir veiller pendant deux nuits la dépouille d’un vieil homme que la police a trouvé un mois après son décès et dont on attend la fille pour les funérailles. Or, celle-ci habite en Espagne et elle n’a pas pu avoir un vol avant deux jours. En attendant, l’odeur du cadavre est tout simplement insoutenable et la décision est donc prise d’emmener le cercueil à l’écart de la ville jusqu’à l’arrivée de la fille du vieil homme, qui n’avait plus vu son père depuis plus de 20 ans. Dans « Le croque-mort », les scénaristes Tassos Zafiriadis et Yannis Palavos et le dessinateur Athanassios Pétrou s’intéressent surtout au destin de Leftéris, l’un des employés de Leonidas. Un croque-mort expérimenté et un peu désabusé, avec une vraie « gueule », à mi-chemin entre Michel Serrault et Jean Gabin. On suit Leftéris dans sa routine quotidienne, qui n’a vraiment rien de très excitant, entre les repas qu’il prend seul et les brèves discussions avec le vieux concierge de l’immeuble, qui détourne une partie de l’argent des charges pour jouer à la loterie. Tout juste devine-t-on que la fille de Leftéris doit certainement beaucoup lui manquer. Elle habite à l’étranger. Parfois, elle lui téléphone. Mais Leftéris n’est pas du genre à se plaindre ou s’exciter. C’est un employé modèle. Cela fait plus de 20 ans qu’il enterre plus d’une quinzaine de cadavres par mois, sans jamais rechigner à la tâche. Et si c’était différent cette fois-ci? Et si ce vieil homme abandonné par sa fille parvenait à sortir Leftéris de sa torpeur et du train-train quotidien?
« Le croque-mort » n’est clairement pas destiné aux amateurs d’aventure ou d’action. Par contre, ce récit plaira certainement à ceux qui aiment se plonger dans des tranches de vie très proches de la réalité, c’est-à-dire sans rebondissements spectaculaires, sans bons ni méchants et sans « happy end » clairement défini. Outre le fait qu’elle nous révèle un autre visage de la Grèce, la principale force de cette bande dessinée réside dans les non-dits. En nous dévoilant progressivement la vie du croque-mort Leftéris, les auteurs nous révèlent petit à petit sa personnalité et surtout ce qui le hante, mais sans jamais le dire ouvertement: c’est au lecteur de faire les liens et de deviner les véritables pensées du personnage. Au final, cela donne un scénario intelligent et plutôt réussi, même si on peut regretter que l’histoire soit finalement très courte, ce qui laisse un petit goût de trop peu. Quant au dessin, il n’est certes pas parfait, mais le travail d’Athanassios Pétrou est soigné et prometteur et fait un peu penser à celui de Miguelanxo Prado. Une belle découverte donc, qui donne envie de lire d’autres BD grecques.
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Créée
le 19 juil. 2015
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