Une de mes histoires préférées de Bob et Bobette, parce que c'est une belle aventure, parce qu'elle montre d'une manière amusante les difficultés à créer un État et parce qu'elle est d'une irrévérence telle que sa parution ferait peut-être aujourd'hui scandale.
Drôle d'époque quand on y songe, à force de promouvoir tolérance et non-racisme, on a fini par développer une paranoïa contre ce mal (réel) qu'est la discrimination.Et l'idée du savant fou au centre de cette histoire est amusante : reprendre le concept de l'Arche de Noé, mais avec seulement des humains, de différentes "races". Belges (Occidentaux donc), Hindous, Africains, Juifs, Arabes et Chinois en prendront donc pour leur grade, avec pas mal de clichés grotesques utilisés en abondance, mais plus à des fins humoristiques que véritablement racistes. Le Juif cherche à tout vendre, veut faire de chaque terre fertile son "nouvel Israël", se dispute avec l'Arabe (cocasse alors que cette histoire fut écrite en pleine guerre des Six Jours), tandis que le Noir ne veut pas travailler tant qu'il n'obtient pas de l'État une bourse d'études et que le Chinois (de l'ère maoïste) se plaint constamment des méchants impérialistes qui dérobent des choses au peuple. Bref, c'est très con, mais ça fourmille tellement de petites références, de tacles gentils, que cet album en est vraiment drôle, digne d'un bon Goscinny !
En parallèle, et puisque le but est de créer une société idéale en revenant aux bases de la civilisation, Vandersteen se fera plaisir, en pastichant la politique et le développement humain (Barabas qui pense directement à créer la contravention en même temps que la voiture, pour générer des revenus pour l'État). Ça n'est malheureusement pas fort poussé, parce que la fin, abrupte, tombe comme un couperet et arrête en plein élan cette belle aventure un peu magique, non régie par les règles habituelles, ce qui est un peu le propre des histoires d'iles...
La conclusion est un peu facile, mais néanmoins sympathique "le monde serait facile à vivre et à gouverner si ... les hommes n'étaient pas les hommes." Logique en fait.