Bon, il serait inutile de vous bassiner avec un énième discours à propos de la reprise de certaines des grandes séries cultes de la BD pour la jeunesse. En ce qui concerne la série Les Schtroumpfs, le problème est particulièrement épineux. Pour résumer, disons que depuis que Peyo a passé l’arme à gauche, les albums se succèdent à une cadence industrielle, et sont tous enclavés dans le cruel format 46 pages. Chaque album propose une thématique différente, souvent intéressante mais insuffisament exploitée.


Pour le cas de ce vingt-sixième album, le thème choisi est le savoir universel. Faut avouer que ça a de la gueule.


Premier point noir, l’amorce. On voit, dès la première page, le Grand Schtroumpf annoncer à la populace son départ du village; les Schtroumpfs se retrouvent à devoir s’organiser seuls. Mais dîtes-moi, cette introduction, nous l’avons déjà rencontrée de nombreuses fois, comme dans Le Schtroumpfissime ou On Ne Schtroumpfe Pas Le Progrès! Évidemment, les indigences vont s’enchaîner, malgré les avertissements du Grand Schtroumpf… Cette intro en dit déjà long sur une bonne partie de la suite des événements.


Autre détail frappant: le pilier central, l’éponyme Livre qui dit tout, intervient exagérément tôt, dès la seconde page! D’habitude, dans la plupart des autres albums, même les récents, il se passe toujours plusieurs scènes du quotidien des Schtroumpfs asseyant l’intrigue. Là, queud’, envoyez, c’est pesé! Bien sûr, le Schtroumpf à Lunettes (bouc émissaire par excellence), aborde l’objet avec incrédulité, puis avec stupeur, enfin avec passion. Bref, aucune surprise de ce côté-là. La réaction des autres Schtroumpfs vis-à-vis du Schtroumpf à lunettes et du Livre est complètement téléphonée: curiosité puis fascination et addiction, une fois de plus.


Il n’y a aucun effort du côté des ressorts comiques, usés jusqu’à la trame, ni de celui du graphisme, aux couleurs insipides (ces fondus de couleur, rhaaargh) et au trait totalement figé… comme sur tous les albums depuis Le Schtroumpf Financier. Ni de celui des dialogues, d’une triste platitude, absolument pas mémorables.


Ah! Un premier enjeu intéressant: les Schtroumpfs monopolisent le Livre qui dit tout pour poser des questions anodines, ce qui épuise les ressources du précieux ouvrage; il y a donc conflit d’intérêt entre l’intello et ses congénères. Opportunité gâchée par une nouvelle facilité scénaristique.


Cet album présente cependant une originalité non négligeable: extraire le Schtroumpf à lunettes de son rôles de sidekick pour en faire un héros à part entière, le protagoniste principal d’une aventure entière.


Mais, une fois de plus, cette originalité sera sous-exploitée, les scénaristes ne parvenant pas à insuffler une réelle épaisseur à leur personnage. Tiens, pour la peine, je vais vous montrer un aberrant raccourci stylistique. Pour restreindre l’accès au Livre, le Schtroumpf à lunettes réquisitionne la vieille tour de guet en périphérie du village, or celle-ci est délabrée. Il sollicite, pour les travaux de rénovation, l’aide des Schtroumpfs qui sont censés être très agacés de ne pouvoir accéder au Livre… Et ces truffes acceptent sans rechigner! Quelques Schtroumpfs, totalement exaspérés par les manigances du Schtroumpf à lunettes, tentent de s’opposer, mais n’auront aucune incidence sur le scénario, c’est déplorable!


Les conseils du Livre qui dit tout occasionnent également des conflits entre les Schtroumpfs… mais rien de palpitant, rassurez-vous. Les tentatives de quelques protagonistes pour détourner le Livre tombent également à plat.


Vous n’êtes pas sans remarquer que toute cette mascarade avec le Livre abrité dans la tour de guet, ça dure depuis une bonne dizaine de pages, et le scénario fait du surplace!


Et, vers les deux-tiers de l’album, le Grand Schtroumpf revient (là aussi un ingrédient qui pue le réchauffé). Et là, c’est la catastrophe absolue. Déjà, le moment où ce dernier apprend la subtilisation du Livre qui dit tout prête à rire tant elle est pathétique et ridicule! Et l’indigence va crescendo: la scène suivante, celle où le Schtroumpf à Lunettes est enguirlandé par le Grand Schtroumpf, est exécrable d’incohérence. Le Schtroumpf à lunettes parvient à faire plier le Grand Schtroumpf en changeant de sujet de conversation. Et ce dernier repart sans opposer de grande résistance, laissant le Livre au Schtroumpf à lunettes, alors que ledit livre est censé être un document classé secret défense! Immédiatement après, le Grand Schtroumpf est pris de malaise. Les conseils du livre mènent à un branle-bas de combat général poussant le Grand Schtroumpf à se retirer dans la montagne, abandonnant ainsi le village et livrant à nouveau les schtroumpfs à eux-mêmes. Pincez-moi, je rêve!


Ensuite vient une longue séquence où l’on voit le village entier courir la catastrophe: une crue est sur le point de faire céder le barrage de la rivière Schtroumpf. L’opposition entre l’urgence de la situation et l’aveuglement du Schtroumpf à lunettes, totalement obnubilé par son Livre, aurait pu devenir un moment fort. Hélas, tant de lourdeur, tant de mauvais pathos, tant de clichés, on sature, ç’en devient insupportable. On touche le fond avec le dénouement final, d’une connerie monumentale.


Chers lecteurs, certains d’entre vous me reprocheront sans doute d’être tombé dans la paraphrase. Mais il me fallait analyser le désastre, vous le décrire dans toute sa crudité afin qu’une chose pareille ne se reproduise jamais plus…


Les Schtroumpfs et le Livre qui dit tout est un incontournable en ces temps troublés par la pandémie. Une pénurie de papier toilette est si vite arrivée…

Alphananar
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le 29 sept. 2021

Critique lue 72 fois

Alphananar

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