La note de l'album correspond à la moyenne des notes des trois aventures recueillies:
1- Les Schtroumpfs noirs (10 / 10)
Début en fanfare pour les Schtroumpf en solo (c'est à dire sans Jehan et Pirlouit qui les ont vu naître) !
Après une présentation de leur monde en une case qui a sans doute inspiré la carte initiale des Astérix, village et alentours oblige, Peyo se lance dans une folle aventure extrêmement prenante réécrivant de façon plus farcesque qu'absurde le délire de Ionesco dans Rhinocéros: les Schtroumpfs se font attaquer par l'un des leurs, devenu noir et hargneux et surtout ...contagieux, changeant les autres en Schtroumpfs noirs!
Attention aux contre-sens malgré tout: il ne s'agit pas d'une oeuvre raciste, le noir déplaisant souvent aux bien-pensants qui deviennent par là-même plus intolérants que leurs cibles!
Il ne s'agit pas non plus d'une histoire de zombies, encore très semblable et, de ce fait, très proche du goût actuel pour ce genre d'histoire.
C'est à la fois plus simple, plus cocasse et plus subtil. Les Schtroumpfs sont bleus et font référence à l'expression "voir la vie en bleu", c'est à dire être optimiste. C'est pourquoi le Grand Schtroumpf n'a pas à attendre longtemps pour obtenir des volontaires pour les tâches périlleuses. Les Schtroumpfs transformés (ou zombies, ou mutants, au choix) sont noirs comme dans les expressions "broyer du noir", "voir tout en noir", "avoir une vision noire des choses", qui signifie être pessimiste. Qu'est-qui apporte cette mutation de bleu à noir? Une mouche qui pique. Allusion à peine voilée à l'expression "quelle mouche le pique?", qui signifie être en colère de façon soudaine ou pour un motif incompréhensible.
Cette aventure est une métaphore de la lutte de l'individu ou des individus pour lutter contre le pessimisme. Ce qui explique qu'une fleur bien ouverte serve à renverser le processus transformationnel: donnons l'assurance de l'épanouissement à l'individu pour qu'il soit optimiste et donc heureux / créatif / productif.
Une leçon quasi sociale, complètement existentielle, remplaçant un bon Lenoir, que je salue !
2- Le Schtroumpf volant (7/10)
J'ai toujours adoré les histoires d'Homme volant et d'inventions de machines volantes voire lunaires: les fioles de rosées de Dyrcona dans Les Etats et Empires de la Lune de Cyrano de Bergerac, le parachute du Persilès & Sigismonde de Cervantès, la machine de Gonzalès dans L'Homme dans la lune de Francis Godwin. Ce qui me rend peu objectif, ce qui me rend par volonté de sens critique plus sévère.
L'histoire? Un Schtroumpf veut voler et cherche un moyen d'y parvenir alors qu'il est censé aider le Schtroumpf à lunettes à chercher des noix.
Le but? Un jeu avec une expression et une réécriture de Prométhée à la façon de La Fontaine.
L'expression "Si Dieu avait voulu que l'homme vole, il lui aurait donné des ailes" est à plusieurs reprises détournées par le Schtroumpf à lunettes de la manière suivante: " Si le Grand Schtroumpf avait voulu des [pommes/ plumes/ etc...], il aurait dit ...".
Ce gag annonce une réécriture de l'apprenti sorcier, du mythe prométhéen, traité de manière burlesque comme le fait La Fontaine dans La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf. Sauf que la grenouille crève plusieurs fois.
Deux défauts pourtant:
- Tout le comique porte sur un ensemble de répétitions qui le rende plus nerveux que sincère.
- Problème chronologique: cette aventure et la suivante se font écho sans déterminer vraiment laquelle est la première temporellement parlant. (ça n'a de sens que dans la contrée de Tlön, cf. Tlön Uqbar Orbis Tertius de Borges)
3- Le Voleur de Schtroumpf (8/10)
Tout héros a besoin de son antagoniste.
C'est donc avec plaisir qu'on découvre Gargamel dans sa première apparition et qu'on retrouve son chat Azraël, dont c'est la seconde apparition.
Sujet typique des Schtroumpfs (Gargamel veut les attraper, conseillons-lui les pokémons pour varier), cette intrigue a néanmoins l'avantage d'être la première du genre et d'expliquer la raison première de la chasse aux Schtroumpfs de Gargamel et ainsi que la haine farouche qu'il leur voue.
Le principal problème de cette aventure lui vient tout droit de la précédente qui déstabilise le lecteur par l'incohérence chronologique qu'elle établie. Gargamel découvre les Schtroumpfs qui le redoute déjà dans Le Schtroumpf volant, Peyo renvoyant sans vergogne ni logique par une note ... à l'épisode qui suit! C'est le monde à l'envers!