Luce ou l'aperçu d'une lumière.
Les funérailles de Luce. Voici l'ordre du jour. Une petite fille qui fait l'apprentissage de la mort sous le voile agréable et salvateur du noir et blanc. Une belle bravade que ces délices doux et éthérés, aux traits fins et soyeux, tissés en toîle de maître sur l'esquisse rugueuse de la mort personnifiée en un chevelu squelettique errant à travers les rues en compagnie d'une Luce voilée. Entité bicéphale, la mort ravit les âmes en enfermant les origamis d'un souffle coupé dans une boîte précieuse à ne jamais ouvrir une fois fermée à clé. La véritable petite Luce, qui n'est pas drapée des oripeaux d'une mort qui ne pardonne pas et ne sonne qu'une fois, respire la gaieté de vivre mais doit affronter les vicissitudes d'une existence pas toujours rose pour des êtres dont l'âge fait poindre la fin de vie. C'est exactement dans ces moments, ces instants placés dans une dernière ligne droite, que les sentiments humains prennent toute leur ampleur, et que l'innocence de la petite Luce, à la fois touchée et touchante, prend une sacrée leçon d'humilité pour éprouver une soudaine maturité. Si Luce est éblouie par l'image de la mort qu'on lui projette, c'est parce qu'elle trouve cela terriblement injuste et cruel. Qu'elle vienne à point nommé sans prévenir, qu'elle cueille les âmes sans crier gare, cela constitue une réalité que la naïveté de l'intrigue, transcendée par la douceur et la sobriété du dessein, embellit en chaque vignette.
Je ne saurais que trop me répéter et me paraphraser sur une expérience qui se vit et se lit davantage qu'elle ne se raconte. A l'image de sa couverture, si on doit lever le voile sur la face sombre d'une petite fille qui goûte à la vie par le truchement de la mort, ce n'est qu'avec une curiosité timorée qui ne doit pas définitivement faire pencher la balance du côté de l'inexistant, mais doit sauvegarder une part d'enfance pour pleinement accomplir l'apprentissage de notre finitude à tous.