Jeffrey Dahmer choqua les Etats-Unis, quand ses crimes furent révélés.
Mais ce n'est pas le sujet de cette bande dessinée. L'auteur a connu Dahmer. Plus précisément, au lycée, cet âge difficile de l'adolescence qui conditionne une vie adulte. C'est ce qui l'intéresse. Dahmer était alors étrange, en marge. Mais peut-être qu'il aurait pu dévier sur une autre voie. Si ses camarades de classe avaient voulu comprendre son comportement, si ses parents ne se déchiraient pas sur leur divorce, si les adultes n'avaient pas fermé les yeux sur l'attitude de Dahmer. Peut-être.
Derf Backderf cherche à comprendre. Il accuse cet entourage, dont il a fait partie, tout en n'excusant pas les déviances de son camarade. C'est aussi un moyen pour lui de se positionner face à cette tragédie, de cracher son incompréhension, de révéler les failles qui mènent la genèse d'un psychopathe. Un moyen comme un autre pour servir d'exutoire, quand cette terrible tragédie touche aussi brutalement la vie d'une personne.
Car la tragédie racontée dans ce livre résonne en chacun de nous. Avons-nous été coupable à un moment ou à un autre de notre adolescence de n'avoir pas pu ou voulu aider quelqu'un ? Ou qu'est ce qu'il nous aurait fallu pour dévier à ce point des normes sociétales, pour les transgresser à un tel niveau ?
Ce n'est pas seulement un récit terrifiant, un témoignage inquiet mais vindicatif, un documentaire dans le coeur d'une intimité dérangeante. Cet ouvrage est aussi un outil de réflexion sur l'adolescence, dont on ne se rend pas forcément compte de quelle manière elle peut chavirer.
Derf Backderf a aussi écrit Punk rock et mobile homes, plus léger mais aussi très intéressant sur une certaine époque et sa jeunesse.