Passé décomposé !
Un préquel aux Kingsman, d'accord, je prends. Si cela peut laisser le temps à Matthew Vaughn de rattraper la cata du deuxième volet (non, une grande méchante ne faisant que péter les plombs toutes...
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le 29 déc. 2021
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En 2015, adaptant le comic-book de Mark Millar, Matthew Vaughn signe avec le premier KingsMan: Services secrets une belle réussite, mêlant une certaine élégance anglaise infusée dans un film aux accents modernes, relecture contemporaine du film d’espionnage et d’action.
L’agence Kingsman est ainsi une agence d’espionnage et de renseignements déliée des contingences politiques, un influent contre-pouvoir face aux tyrans mégalomanes ou aux états compromis, le tout avec l’élégance et le flegme so british.
Le potentiel est là pour profiter de l’incroyable engouement autour de ce qui est amenée à devenir une nouvelle franchise, dans les mains des mêmes personnes : Matthew Vaugn et Jane Goldman, scénariste. La suite en 2017 est pourtant une cruelle déception, déconstruisant les leçons du premier pour un film qui tournait hélas à vide et dont il était à craindre que la série s’était déjà essoufflée, un nom de plus sur le triste tableau des franchises gâchées.
Après ce deuxième volet, il était difficile de poursuivre dans cette direction, et la confiance avait été piétinée.
Arrive pourtant un nouveau volet, qui devait sortir en 2019 et n’arrive qu’à la fin 2021, reporté suite au rachat du catalogue de la Fox par Disney puis par un certain Covid. Le film aurait-il la poisse ? Fallait-il le sortir au cinéma ?
Qu’on se rassure et que le message soit repris par tous : la franchise reprend du poil de la bête, dans de beaux costumes et la rage de vaincre.
Après le second volet qui avait mis à mal l’agence non-gouvernementale, ce nouveau volet prend le pari de raconter ses origines, comment elle s’est fondée et pourquoi.
Elle prend place dans une époque oubliée par ce genre de blockbusters, à savoir le début du XXème siècle et la Première Guerre mondiale. Une époque explosive, sans mauvais jeux de mots, où les grandes puissances s’affrontent et les soldats s’étripent. L’ensemble proposé est assez proche des grandes lignes historiques, sans rechercher la fidélité mais une certaine caricature, où la majorité des personnes au pouvoir sont faibles et corruptibles. Dans l’ombre, une société secrète influence ces hommes d’états, avec par exemples Raspoutine en Russie, avec à leur tête un vilain manipulateur dans la stricte lignée des despotes de l’ombre des habituels films d’espionnage.
Curieusement, la France est complètement absente de ces luttes de pouvoir, bien qu’elle offre généreusement ses terrains au massacre. Elle est ainsi absente de ces jeux d’influence, réservés avant tout aux têtes couronnées de l’époque. Les États-Unis sont bien présents, et même si le président n’est pas à son avantage, comme beaucoup d’autres, conditionner la fin de la guerre à leur arrivée sur le marché est un raccourci bien hollywoodien. The King’s Man est une évidente fantaisie vaguement historique, mais certains choix peuvent surprendre.
Ce qu’il ne renie pas, ce sont les horreurs de la guerre, commençant fort avec un camp de concentration présenté comme tel pendant la Seconde guerre des Boers en Afrique du Sud (1899-1902) et bien sûr cette Première guerre mondiale. Elle sera pendant longtemps citée en arrière-plan, le film se concentrant avant tout sur l’Angleterre et quelques expéditions ailleurs, notamment en Russie, mais quand elle sera montrée elle rappellera aux spectateurs les luttes cruelles et injustes pour des bouts de terrain.
Face à ce chaos qui explose en Europe et en Russie, le film repose sur les épaules d’Orlando Oxford, aristocrate influent, qui a été membre de la Croix rouge, présent sur les champs de bataille avant qu’un drame ne lui enlève sa femme. Il va alors sur-protéger son fils, Conrad, qui, devenu grand, va chercher à s’engager. Le duc d’Oxford est un pacifiste convaincu, qui a la guerre en horreur, qui connaît ses maléfices. La relation entre les deux est ainsi évidente, entre profonde affection et une confiance fragile, l’un et l’autre cherchant à démontrer la pertinence de son engagement, Conrad étant obsédé par son désir de servir la patrie.
Orlando aura beau lui confier qu’il est bien plus engagé qu’il ne le paraît, soutenu par sa bonne Polly Wilkins, et son réseau de relations et son intelligence affûtée, et son chauffeur Shola, homme d’action redoutable, il aura beau l’intégrer à son désir de changer le monde à sa façon, Conrad ne démordra pas de ses envies. Tous ensemble il vont donc agir à leur manière, de manière plus discrète ou plus interventionniste, pour contrer les plans des marionnettistes qui veulent plonger les pays dans la guerre et le chaos.
Il faut d’ailleurs souligner le jeu des comédiens, de l’impérial mais faillible Orlando, campé par Ralph Fiennes, bien qu’il tire toute la couverture, au droit Conrad, joué par Harris Dickinson, accompagnés de Gemma Arterton et de Djimon Hounson comme proches et fidèles soutiens. Rhys Ifans fait un Raspoutin dérangé et lunatique drôlement inquiétant, et d’autres acteurs tels que Matthew Goode, Tom Hollander ou Daniel Brühl, qui assurent des prestations convaincantes.
Malgré sa durée assez longue, plus de 2h, le film est dense, machinant plusieurs axes, entre les jeux de pouvoirs entre chefs d’états, conseilleurs occultes ou consultants extérieurs et les différentes directions prises par le clan des Oxford, entre préoccupations internes et influences directes. Le métrage ne prend guère le temps de s’éterniser, dans sa pelote pas loin de s’emmêler avec ses différents arcs et à la vue de certains développements un peu hâtifs il ne serait pas surprenant que Matthew Vaugn ait bien coupé.
Bien sûr, le spectateur n’échappera pas à quelques facilités, à quelques codes parfois un peu trop poussés à la caricature, comme cette confrérie secrète et dont l’identité du grand méchant, gardée sous le coude comme une surprise à envoyer à la tronche du public, n’en sera finalement pas une. Les motivations à faire le mal sont d’une telle simplicité qu’il ne faudra guère attendre plus, ou tout au plus les rattacher à un anarchisme politique et social très fort au début de ce début du siècle, mais ce ne sera jamais clairement expliqué.
Mais en dehors de quelques grosses ficelles, ce King’s Man retrouve un certain esprit du premier, à savoir provoquer la surprise ébahie, arrivant à surprendre avec certains rebondissements, qui vont diriger le film vers de nouvelles directions, mais aussi certaines scènes très réussies. Le premier avait fait très fort avec sa scène dans l’église, mais ce nouveau volet propose certaines séquences d’actions très impressionnantes, combinant chorégraphies audacieuses avec une réalisation qui accompagne ces échanges de coups. La confrontation avec Raspoutine est proposée comme une danse mortelle, tandis que la scène dans les tranchées est d’une sobriété égale à la violence déchaînée. Il est inutile de s’attarder dessus, car il est important de les découvrir dans leur jus.
Le tout avec ce ton bien typique de la franchise, avec une autorité toute anglaise, un flegme aristocratique mais jamais hautain, à hauteur d’hommes, et un humour assez décontracté, plus moderne, mais en petites doses. La franchise permet de s’affirmer dans sa nouvelle proposition des codes du film d’espionnage, avec une légère dérision qui lui offre une légère distance, la possibilité de ne pas se prendre entièrement au sérieux, à l’image de cette société secrète ou des caricatures des hommes d’État.
En commençant par le début, ce King’s Man permet de consolider les fondations d’une licence, malmenée par un second volet, en expliquant pourquoi une telle agence était nécessaire. Mais il rappelle aussi en quoi se distingue la licence d’autres concurrents sur le marché bien chargé des films d’action ou d’espionnage, même s’il en garde certaines tares comme des personnages simples et des enjeux assez évidents.
En prenant appui sur une période riche, bien que revisitée pour le film, ce King’s Man profite de ce contexte et s’offre un nouvel élan. Il s’offre une nouvelle direction avec ce passé tumultueux, à voir si suite il y a si celle-ci continuera sur cette bonne lancée.
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le 30 déc. 2021
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