Mx0
5.7
Mx0

Manga ()

L’essentiel, lorsqu’on commet un premier chapitre de manga, consiste encore à entrer dans le vif du sujet. Enjeux et personnages, contexte et atmosphère, tout doit y être compilé dès l’entame. L’exercice est périlleux, astreint l’auteur à une minutie toute particulière, mais s’avère incontournable si l’on souhaite trouver ses lecteurs. Le rythme est alors primordial, il faut savoir faire les choses vite sans être pressé ; qu’on nous instruise des choses de l’œuvre tout en prenant le soin d’être intelligible.

J’ai beau aimer lorsqu’une œuvre ne louvoie pas spécieusement d’ici à ce qu’elle ait à articuler son propos, j’observe qu’une course effrénée, lorsqu’elle débute trop promptement, fait le lit d’une dégringolade piteuse et douloureuse. Qu’on se le dise, Mx0 a réussi à me perdre en deux pages de temps.


L’intrigue n’est pas bien complexe – ah ça non ! – mais elle nous est si mal présentée qu’on ne comprend rien. On ne sait pas qui est qui, ou de quelle autorité il s’exprime. Vous aurez peut-être le sentiment, comme moi, que les personnages, d’emblée, s’adressent à vous comme s’ils vous avaient connu depuis l’aube de l’humanité. Mais prenez donc la peine de vous présenter avant de nous tirer par la manche vers on ne sait où pour y faire on ne sait quoi.

Je radote à dessein, mais la première impression est cruciale dès lors où l’on souhaite faire bonne figure. Le monde est injuste, mais il ne faut pas trébucher dès le premier pas, ou tout le restant de votre démarche s’avérera aussi erratique que ce qui augurera votre départ. Vous n’avez pas de deuxième chance, vous devez la mettre dans la lucarne dès le premier chapitre.


Mx0 se lance à corps perdu pour rebondir contre les murs. On ne comprend rien à ce qui se passe, tout est confus. Les dialogues sont mal introduits – à la mesure du reste par ailleurs – et on croirait, dès le premier chapitre, en avoir déjà loupé cinq autres. Tout est trop agité, épidermique, épileptique même, si bien qu’on jurerait qu’il manque parfois des cases entre deux autres tant tout s’enchaîne brutalement et sans prendre le temps de faire sens. La mise en scène et le paneling jouent contre l’œuvre ; une œuvre qui ne pourra certainement pas se raccrocher à son écriture pour sauver l’honneur. Ni l’honneur, ni le reste d’ailleurs.


Il est bien question d’une école de magie, mais qu’on se rassure, Mx0 a le mérite de ne chasser ni sur les terres d’Harry Potter, et encore moins sur celle de Mashle. Le cadre scénaristique est propre à son auteur et il se démarque des œuvres dites de « référence » dans le registre abordé. J’y ai retrouvé – eu égard au dessin et aux pouvoirs exercés sans doute – quelques traces assez apparente de la Loi d’Ueki. Les Shônens de deuxième division parus durant cette époque, de toute manière, se ressemblent tous tant ils ne cherchent pas à se singulariser graphiquement.


Les gags sont prévisibles et convenus, comme le reste par ailleurs, et donnent l’impression que l’auteur les place là par mesure procédurale davantage que pour relever le récit. Inutile de chercher à être drôle et léger si l’on n’a pas en soi la fibre humoristique. Un Shônen un peu plus terne et sévère dans ses tons se lit tout aussi bien du moment que l’auteur s’épanouit dans ce registre. Mais il y a comme un impératif à multiplier les gags et les grimaces exaspérantes. N’est pas Yoshio Sawai qui veut.

Oh, et puis je me ravise. Certains passages burlesques, souvent à la limite du vaudeville, vous arrachent un sourire innocent. Que Hiiragi en prenne sans cesse plein la gueule est souvent très amusant. D’autant que la relation de codépendance qu’il a vis-à-vis de Kuzumi offre une dynamique de duo assez rafraîchissante du fait qu’elle soit si peu usitée ailleurs. D’autant qu’elle est souvent prétexte à des antagonismes légers dont je sais être friand.


En revanche, ce qui tient ici à la magie comme ressort fantastique passe convenablement. Même assez bien, il faut le dire. Il existe des zones – comme des trous dans la matrice – d’où émane la magie et où peuvent s’y familiariser ceux qui s'y entraînent. Ces lieux concernent généralement des sites considérés comme sacrés, avalisant ainsi la thèse de la magie dans ce monde, tout en prenant soin de définir ses limites afin de justifier que rares soient ceux à y accéder. On y ajoute les « plaques » où son utilisateur y enregistre et programme dans une mémoire où figurent ses acquis en terme d’apprentissage. Des acquis se mesurant en « Points de magie » s’accumulant au gré des enseignements perçus. C’est un cadre tout bête que celui-ci, mais cohérent et cloisonné là où il faut afin d’y garantir certaine cohérence dans le récit tout en prévenant les facilités scénographiques. Plus un auteur s’impose de limites et de contraintes, plus il devra combler ses entournures gênées par un peu d’astuce.

Bien que ça n’ait l’air de rien, tout ce système, une fois dévoilé, fait montre d’une certaine rigueur de la part de son auteur à vouloir nous offrir un ensemble qui, bien que surnaturel et improbable, répond à sa propre logique. Tout reste permis dans le principe, mais en prenant la peine d’être justifié.


Un personnage principal ne pouvant pas utiliser de magie dans un environnement où chacun en est capable… ce serait Black Clover qui recommence ? Eh bien non. Car l’auteur prend ici la peine de se tenir à son postulat durant quelques temps afin que l’adversité ne s’y avère jamais factice. Ça se lit sans avoir à forcer en dépit de ce que l’intrigue a parfois de prévisible. Les astuces employées pour compenser l’absence de magie dont accuse Kuzumi sont bien trouvés. Dieu sait qu’il est plus plaisant de lire les aventures d’un faible parmi les forts que l’inverse.


En dépit de tous les champs d’application que recouvre ici la magie, les personnages se bornent le plus souvent à un pouvoir en particulier qu’ils ont développé. Il y a un petit côté « stand » (petit, j’insiste) qui fait du bien à la lecture alors qu’on tire le meilleur profit de son pouvoir afin de lui trouver pléthore d’utilisations variant selon les circonstances. Encore une fois, ce qu’on verra ne sera pas exceptionnel mais au moins correct. Et correct, par les temps qui sont les nôtres, c’est un terme qui se confond presque avec la notion de panacée universelle. Aussi je ne boude pas mon plaisir, aussi modéré soit-il.


En dépit de tous ces mécanismes venus entourer la magie, les combats deviennent rapidement lassants. On retrouve de tout et donc du rien affiché à l’emporte-pièce. Un pouvoir nouveau se décide à chaque nouvelle case qui vient, le festival de l’improvisation conceptuelle se poursuit sans être franchement innovant. On pouvait espérer plus. On pouvait espérer mieux. On pouvait espérer. C’est mon grand défaut ça, de nourrir des espoirs lorsque je lis un manga.


Ce qui vient n’est pas non plus aussi décevant que je le laisse paraître. Et ce, parce que je n’en attendais tout de même pas de trop. Les modalités de narration, décidément trop analogues à celles de mille autres Shônen de ce même temps, usent et exaspèrent un lecteur qui n’a été que trop habitué à dégoûté par ces dernières. La présence constante du pot de fleur geignard qu’est la fille de Hiiragi est éprouvante à la lecture. La savoir là, dans l’intrigue du moment, à chaque fois, suggère sans cesse un soupir éreinté.

L’usage qui sera fait de la magie par la suite ne sera pas sensationnel. D’autant que le dessin qui nous la présente est assez confus et ne donne pas tellement envie de se jeter à cœur perdu dans l’intrigue.


La fin, survenue relativement tôt, à dix tomes de parution environ, laisse entendre que les lecteurs se sont lassés tout aussi vite que je l’ai fait. Tout est bâclé mais, finalement, rien n’est gâché. L’intrigue n’avait en effet adressé aucune promesse au lecteur. Le récit se laissait porter d’un arc à l’autre sans trop se fixer d’enjeux. Peut-être est-ce ça qui a lassé le lectorat nippon.


En tout cas, Mx0, loin d’être un bon Shônen, en présentait toutefois tous les atouts. Aussi, par esprit contrarien – et parce que l’œuvre a quelques qualités – je hausserai d’un point la note que je souhaitais lui attribuer. Comme pour Psyren, il n’est pas pire qu’un autre Shônen, et pour un peu, il serait même meilleur à dire vrai.

Josselin-B
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le 13 nov. 2024

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Josselin Bigaut

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